Soulages, une autre lumière

Brève proposée par Nicole Gnesotto dans l'émission Le chamboule-tout français / Le mouvement GenZ au Maroc et dans le monde / n°424 / 12 octobre 2025, que vous pouvez écouter ici. ou ci-dessous.

Soulages, une autre lumière

Nicole Gnesotto

"Pour une fois, je vais parler peinture. Je vous recommande d’aller voir cette exposition consacrée à Pierre Soulages au musée du Luxembourg. Pour dire la vérité, je n’avais jamais vu un seul Soulages de ma vie, et j’ai été absolument éblouie. Ce sont uniquement des œuvres sur papier — cent trente au total — dont la plupart datent de l’immédiat après-guerre, en 1946, avec quelques reprises dans les années 2000. Elles sont réalisées au brou de noix, cette matière brune, presque noire, que j’ai découverte à cette occasion. L’accrochage est parfait, d’une beauté saisissante. Il y a bien quelques vidéos où l’artiste parle de sa démarche, mais, honnêtement, elles n’apportent pas grand-chose : Soulages ne cherche pas à expliquer, il laisse la couleur, la matière, la lumière parler pour lui. Et c’est cela qui est extraordinaire : cette œuvre qui s’impose d’elle-même, qui vous saisit, sans discours. C’est jusqu’au 11 janvier, et c’est splendide."


Les autres brèves de l'émission :

Les Rencontres François Rabelais

Philippe Meyer

"La 21ème édition des Rencontres François Rabelais se déroulera du 4 au 6 novembre 2025 à Tours. Elle s’intéressera aux aux éléments alimentaires et culinaires inscrits au patrimoine de l’humanité. La première journée de ces Rencontres sera entièrement consacrée à une réflexion sur l'élection d'un chef cuisinier à l'Académie des beaux-arts, en l’occurrence celle de Guy Savoy, qui a joué un grand rôle pour l’inscription du Repas gastronomique des Français sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité et qui présidera ces Rencontres 2025. On y entendra Coline Serreau, Régis Marcon, Jean-Robert Pitte, Marc Haeberlin, Pierre Hermé, Pascal Ory, Laurent Petitgirard, Jean-Michel Wilmotte … Les Rencontres François Rabelais reposent sur un principe original dont elles tirent leur spécificité : le dialogue entre deux mondes qui pensent et pratiquent la cuisine, celui des observateurs et producteurs de discours gastronomiques d’une part ; celui des acteurs de l’alimentation d’autre part. L’éducation au goût, le végétalisme, le genre, l’Europe, la santé, le tourisme, ce sont quelques-uns des sujets importants abordés durant ces 20 éditions. L’IEHCA a également piloté le dossier scientifique de « la baguette de pain » inscrite par l’Unesco sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité."


Le Prénom : esquisse pour une auto-histoire de l’immigration algérienne

Marc-Olivier Padis

"J’ai été très touché par ce livre, écrit par un économiste qui n’est pas le plus médiatisé, mais dont le parcours et la réflexion m’ont profondément intéressé. El Mouhoub Mouhoud, aujourd’hui président de l’université Paris Sciences et Lettres après avoir dirigé Paris-Dauphine, a d’abord travaillé sur l’économie internationale et les relocalisations industrielles, avant de se livrer ici à un exercice très personnel : relire son parcours à travers l’histoire de sa famille et de son prénom. Ce témoignage d’un enfant de l’immigration algérienne, dont l’intégration et la réussite sont exemplaires, vient contredire les discours de panique morale sur des populations prétendument inassimilables. Il montre surtout qu’on ne comprend pas un itinéraire individuel sans le replacer dans une lignée, un contexte social, une mémoire collective. Ce livre, ancré dans la Kabylie de ses origines, fait entendre cette « réussite silencieuse » de l’intégration et éclaire, avec pudeur et intelligence, la manière dont les histoires migratoires enrichissent la nôtre."


Le cœur pensant : réflexions sur un chaos annoncé

Béatrice Giblin

"J’ai envie de recommander ce petit livre, écrit par l’un des grands auteurs israéliens, David Grossman, dont on connaît depuis longtemps l’engagement pour la paix et pour la coexistence de deux États. Ce recueil réunit des textes publiés avant et après le 7 octobre 2023, et il est saisissant de voir combien, avant même la tragédie, Grossman avait pressenti la catastrophe. Il y décrit lucidement comment la logique politique suivie par le gouvernement Netanyahou menait droit au désastre, en minant les valeurs mêmes sur lesquelles repose l’État d’Israël. C’est aussi une méditation douloureuse sur ce que signifie vivre toute sa vie dans un pays sans paix, sous la conduite de dirigeants qui semblent entretenir le malheur. C’est un petit livre par la taille, mais un grand texte par la force de sa plume et la clarté de sa conscience morale."


La maison vide

François Bujon de L’Estang

"J’ai eu la bonne surprise de découvrir cet excellent roman français, de Laurent Mauvignier, au milieu des centaines de titres de la rentrée littéraire. C’est un grand roman, dans tous les sens du terme — 750 pages — mais qu’on lit avec un plaisir constant, tant l’écriture est maîtrisée et fluide. Mauvignier y raconte la vie d’une famille française sur quatre générations à travers ses personnages féminins : l’arrière-grand-mère, la grand-mère et la mère. Ce tissage de voix compose une fresque intime et sensible, servie par une langue singulière, à mi-chemin entre le parlé et le monologue intérieur, qui évoque parfois Claude Simon tout en restant très lisible. On se laisse emporter, engloutir même, par ce récit ample et profondément humain."