Les brèves

Les Rencontres François Rabelais

Philippe Meyer, créée le 12-10-2025

"La 21ème édition des Rencontres François Rabelais se déroulera du 4 au 6 novembre 2025 à Tours. Elle s’intéressera aux aux éléments alimentaires et culinaires inscrits au patrimoine de l’humanité. La première journée de ces Rencontres sera entièrement consacrée à une réflexion sur l'élection d'un chef cuisinier à l'Académie des beaux-arts, en l’occurrence celle de Guy Savoy, qui a joué un grand rôle pour l’inscription du Repas gastronomique des Français sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité et qui présidera ces Rencontres 2025. On y entendra Coline Serreau, Régis Marcon, Jean-Robert Pitte, Marc Haeberlin, Pierre Hermé, Pascal Ory, Laurent Petitgirard, Jean-Michel Wilmotte … Les Rencontres François Rabelais reposent sur un principe original dont elles tirent leur spécificité : le dialogue entre deux mondes qui pensent et pratiquent la cuisine, celui des observateurs et producteurs de discours gastronomiques d’une part ; celui des acteurs de l’alimentation d’autre part. L’éducation au goût, le végétalisme, le genre, l’Europe, la santé, le tourisme, ce sont quelques-uns des sujets importants abordés durant ces 20 éditions. L’IEHCA a également piloté le dossier scientifique de « la baguette de pain » inscrite par l’Unesco sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité."


La maison vide

François Bujon de L’Estang, créée le 12-10-2025

"J’ai eu la bonne surprise de découvrir cet excellent roman français, de Laurent Mauvignier, au milieu des centaines de titres de la rentrée littéraire. C’est un grand roman, dans tous les sens du terme — 750 pages — mais qu’on lit avec un plaisir constant, tant l’écriture est maîtrisée et fluide. Mauvignier y raconte la vie d’une famille française sur quatre générations à travers ses personnages féminins : l’arrière-grand-mère, la grand-mère et la mère. Ce tissage de voix compose une fresque intime et sensible, servie par une langue singulière, à mi-chemin entre le parlé et le monologue intérieur, qui évoque parfois Claude Simon tout en restant très lisible. On se laisse emporter, engloutir même, par ce récit ample et profondément humain."


Soulages, une autre lumière

Nicole Gnesotto, créée le 12-10-2025

"Pour une fois, je vais parler peinture. Je vous recommande d’aller voir cette exposition consacrée à Pierre Soulages au musée du Luxembourg. Pour dire la vérité, je n’avais jamais vu un seul Soulages de ma vie, et j’ai été absolument éblouie. Ce sont uniquement des œuvres sur papier — cent trente au total — dont la plupart datent de l’immédiat après-guerre, en 1946, avec quelques reprises dans les années 2000. Elles sont réalisées au brou de noix, cette matière brune, presque noire, que j’ai découverte à cette occasion. L’accrochage est parfait, d’une beauté saisissante. Il y a bien quelques vidéos où l’artiste parle de sa démarche, mais, honnêtement, elles n’apportent pas grand-chose : Soulages ne cherche pas à expliquer, il laisse la couleur, la matière, la lumière parler pour lui. Et c’est cela qui est extraordinaire : cette œuvre qui s’impose d’elle-même, qui vous saisit, sans discours. C’est jusqu’au 11 janvier, et c’est splendide."


Le cœur pensant : réflexions sur un chaos annoncé

Béatrice Giblin, créée le 12-10-2025

"J’ai envie de recommander ce petit livre, écrit par l’un des grands auteurs israéliens, David Grossman, dont on connaît depuis longtemps l’engagement pour la paix et pour la coexistence de deux États. Ce recueil réunit des textes publiés avant et après le 7 octobre 2023, et il est saisissant de voir combien, avant même la tragédie, Grossman avait pressenti la catastrophe. Il y décrit lucidement comment la logique politique suivie par le gouvernement Netanyahou menait droit au désastre, en minant les valeurs mêmes sur lesquelles repose l’État d’Israël. C’est aussi une méditation douloureuse sur ce que signifie vivre toute sa vie dans un pays sans paix, sous la conduite de dirigeants qui semblent entretenir le malheur. C’est un petit livre par la taille, mais un grand texte par la force de sa plume et la clarté de sa conscience morale."


Le Prénom : esquisse pour une auto-histoire de l’immigration algérienne

Marc-Olivier Padis, créée le 12-10-2025

"J’ai été très touché par ce livre, écrit par un économiste qui n’est pas le plus médiatisé, mais dont le parcours et la réflexion m’ont profondément intéressé. El Mouhoub Mouhoud, aujourd’hui président de l’université Paris Sciences et Lettres après avoir dirigé Paris-Dauphine, a d’abord travaillé sur l’économie internationale et les relocalisations industrielles, avant de se livrer ici à un exercice très personnel : relire son parcours à travers l’histoire de sa famille et de son prénom. Ce témoignage d’un enfant de l’immigration algérienne, dont l’intégration et la réussite sont exemplaires, vient contredire les discours de panique morale sur des populations prétendument inassimilables. Il montre surtout qu’on ne comprend pas un itinéraire individuel sans le replacer dans une lignée, un contexte social, une mémoire collective. Ce livre, ancré dans la Kabylie de ses origines, fait entendre cette « réussite silencieuse » de l’intégration et éclaire, avec pudeur et intelligence, la manière dont les histoires migratoires enrichissent la nôtre."


Ulysses, d’Alfred Tennyson

Antoine Foucher, créée le 05-10-2025

"Comme beaucoup, je trouve que le monde que nous avons sous les yeux est particulièrement inquiétant. Nous, Européens du XXIᵉ siècle, sommes à un tournant de notre histoire : dominés militairement, technologiquement, démographiquement, il ne nous reste que la volonté et l’action. C’est ce qui m’a fait penser à un très beau poème d’Alfred Tennyson, Ulysse, où l’on entend cet appel à ne pas renoncer, à continuer d’agir malgré la fatigue, malgré le temps qui passe. J’aimerais en lire quelques vers, car ils disent magnifiquement ce que pourrait être notre force aujourd’hui : persévérer, encore et toujours. « We are not now that strength which in old days Moved earth and heaven, that which we are, we are ; One equal temper of heroic hearts, Made weak by time and fate, but strong in will To strive, to seek, to find, and not to yield. »"


Bûcheron

Lucile Schmid, créée le 05-10-2025

"Je recommande ce livre de Mathias Bonneau, qui change complètement d’univers : après avoir parlé de défense et de technologie, on se retrouve ici dans une histoire de transmission, de nature et de retour aux origines. Bonneau, fils d’agriculteur dans le Tarn, raconte comment son grand-père a planté une forêt, comment son père l’a exploitée, et comment lui, qui voulait fuir ce milieu étouffant, est devenu architecte avant de revenir vers la forêt. Le récit, à la fois romanesque et autobiographique, parle de réconciliation, de filiation, et d’un rapport renouvelé à la nature. C’est aussi une réflexion sur la technique et sur le geste juste : être un bon bûcheron, c’est connaître l’arbre, comprendre la forêt avant de couper. Ce livre, très concret et profondément humain, est un magnifique plaidoyer pour la protection de la nature, écrit dans une langue sobre, précise et lumineuse."


Breakneck : China’s qu’est to engineer the future

David Djaïz, créée le 05-10-2025

"J’aimerais vous parler de ce livre de Dan Wang qui sortira début novembre. Il n’est pas encore traduit mais c’est une lecture qui en vaut la peine, le livre est absolument passionnant. Wang est un Chinois installé aux États-Unis, et il montre que la réussite spectaculaire de la Chine depuis quarante ans tient à une chose : elle a su, comme les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale et comme l’Europe lors de la reconstruction, adopter une vision d’ingénieur à tous les niveaux de l’État. Le livre aborde aussi les aspects sombres de ce modèle : il y a un chapitre saisissant sur la politique de l’enfant unique, présentée comme un succès opérationnel mais vécue comme une tragédie sociale et familiale, qui illustre jusqu’où peut aller une logique technocratique appliquée à la société. D’autres passages reviennent sur la façon dont la Chine est devenue la première puissance automobile du monde, là où on la disait incapable d’innover autrement qu’en copiant. Dan Wang explique que l’Europe et les États-Unis ont, eux, abandonné cette culture de l’ingénieur pour une vision du monde « lawyerly », dominée par le droit, les juges et les procédures. Sa conclusion est équilibrée : il faut, sans renoncer à l’État de droit, que nous retrouvions un peu d’esprit d’ingénierie, et que la Chine, de son côté, adopte davantage ces standards juridiques auxquels aspire désormais une grande partie de sa population."


Il est toujours plus tard qu’on ne croit

Jean-Louis Bourlanges, créée le 05-10-2025

"Je voudrais évoquer un livre signé d’Antoine Veil et publié par son petit-fils Aurélien. Ce recueil réunit les chroniques que son grand-père a écrites tout au long de sa vie. J’y suis très attaché, car j’ai bien connu Antoine Veil — et il ne faut surtout pas le réduire au rôle de « mari de Madame ». Il s’amusait d’ailleurs lui-même de cette étiquette : le premier chapitre s’intitule « Le mari de Madame », et il racontait qu’il recevait parfois des invitations adressées à « Monsieur Simon Veil ». Je l’ai accompagné dans ses engagements européens, et j’ai pu mesurer son intelligence, son humour, mais aussi sa bienveillance. Lors d’une période difficile de ma vie, il a été d’un grand soutien. C’était un homme d’une très grande qualité humaine, un haut fonctionnaire brillant, Inspecteur des Finances, mais surtout un militant infatigable de la cause européenne, du rapprochement franco-allemand et, ce qui est devenu si rare, du dialogue entre les forces politiques. Il avait créé le club Vauban, où il réunissait chaque mois ce qu’il appelait « les partageux et les parcimonieux », autrement dit la gauche et la droite, pour discuter sereinement des grandes questions du pays, ce qui nous change de maintenant, où les gens discutent, dans une atmosphère pas du tout sereine, des petites affaires de leur boutique …"


Histoire de l'Europe. Vol. 2. La naissance de l'Europe ? : Ve-XVe siècle

Philippe Meyer, créée le 05-10-2025

"Je recommande le second volume de L’Histoire de l’Europe de Paul Bertrand et Sylvie Joye, paru aux éditions Passé-Composé sous la direction de Xavier Hélary. Il couvre la période qui va de l’effondrement de l’Empire romain au Vème siècle, ce long moment où le continent se fragmente en une mosaïque de royaumes avant de redécouvrir un sentiment d’unité autour de valeurs communes, et de se lancer à la conquête du monde. C’est un livre magnifique, richement illustré, passionnant à lire. À une époque où nous ne savons plus très bien ce que signifie « être Européen », il est réconfortant de redécouvrir qu’il y eut, avant nous, une Europe consciente d’elle-même, et qu’on peut encore comprendre de quoi elle était faite."


Hommage à Vladimir Jankélévitch

François Bujon de L’Estang, créée le 28-09-2025

"Je voudrais m’associer aux hommages rendus à Vladimir Jankélévitch, disparu il y a quarante ans, en 1985, à l’âge de 81 ans. Sa voix continue de porter très fort. Philosophe singulier et attachant, il reste beaucoup lu, ses éditeurs réimprimant régulièrement ses ouvrages. Existentialiste, il avait une relation exécrable avec Sartre, qu’il brocardait volontiers. Philosophe du temps qui passe, de la vie, de la mort, il a laissé des livres remarquables, et c’était aussi un musicien et un musicologue remarquable : je ne connais aucun autre philosophe ayant écrit aussi bien sur la musique. J’ai eu, dans ma jeunesse, la chance d’assister à certains de ses cours à la Sorbonne : je garde en mémoire sa mèche en bataille, sa voix fluctuante, son charme extraordinaire. C’était une voix unique, une inspiration rare, et je voulais saluer sa mémoire."


Fractures dans l’Occident

Béatrice Giblin, créée le 28-09-2025

"Je conseille le livre de notre amie Nicole Gnesotto. C’est un essai court, écrit dans une langue claire et percutante, qui s’interroge sur la disparition de l’Occident, sur ce que nous n’avons pas su voir ni comprendre, et sur la manière dont tout cela s’est accéléré avec Trump au pouvoir. Elle montre le rôle massif joué par les grands magnats de la tech qui, pour défendre leurs propres intérêts et leur conception étroite de la liberté d’entrepreneurs, ont choisi de soutenir Trump en foulant aux pieds la liberté au sens politique et collectif. Nicole met en perspective les temps courts – Trump, la tech – et les temps longs : la montée des inégalités, le déclassement des classes moyennes, l’absence d’espoir pour leurs enfants, autant de frustrations qui nourrissent des votes populistes. Mais comme elle est d’un naturel optimiste, elle voit dans l’Europe une possible capacité à relever ce défi."