Les brèves

La meute : enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon

Richard Werly, créée le 25-05-2025

"Je me suis plongé dans le livre dont tout le monde parle ces jours-ci. Il s’agit d’un ouvrage consacré à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, écrit par Charlotte Belaïche et Olivier Perroux. D’abord, je trouve extrêmement utile, dans le débat politique français, ce type d’enquête approfondie sur une formation politique. Et, quelque part, je rêverais qu’on ait, d’ici 2027, l’équivalent pour chacun des grands partis. La Meute devrait donner envie à d’autres journalistes de se lancer dans cet exercice, car ce que les auteurs nous dévoilent des coulisses de LFI est passionnant et instructif. On comprend bien comment cette machine s’est mise en marche et le rôle central qu’y joue Jean-Luc Mélenchon. Mais le livre me paraît avoir de deux failles. La première, c’est qu’il est évident que les auteurs voulaient au départ faire une biographie à charge de Mélenchon. On sent pourtant qu’ils n’y sont pas tout à fait parvenus, et qu’ils ont bifurqué vers un portrait plus collectif du parti. On reste donc un peu sur notre faim : on aurait aimé une enquête plus fouillée sur ce personnage, qui vit uniquement pour la politique, et entièrement pour elle. Deuxième faiblesse : le livre montre bien à quel point Mélenchon a su tirer parti de la faiblesse de ses adversaires — voire de ses anciens alliés. Mais sans toujours l’analyser. Ce qui frappe, c’est son opportunisme, sa capacité à saisir l’instant, à trahir quand il le faut, puis à revenir quand il le faut. Cela laisse penser au lecteur — car c’est l’une des conclusions du livre — qu’il sera sans doute candidat en 2027. Et qu’il ne faut surtout pas sous-estimer cette candidature : contrairement à ce que beaucoup imaginent, il sera un candidat redoutable, face auquel il sera très difficile, pour la gauche, de faire émerger une alternative crédible."


37 secondes

Antoine Foucher, créée le 20-05-2025

"Je voudrais recommander une série qui est en ce moment sur Arte et qui est l’histoire du chalutier Bugaled Breizh, qui a coulé dans la Manche en 2004. L’histoire est bouleversante, et deux dimensions font qu’on ne lâche pas la série. La première, c’est la dimension de polar. Quand on ne connaît pas — et c’était mon cas — l’histoire de ce chalutier et l’histoire de l’enquête judiciaire, on suit les épisodes en se demandant : « Mais alors, pourquoi le chalutier a coulé ? » Et c’est vraiment très bien fait. La deuxième raison, c’est que la série montre en même temps les histoires de vie, la densité, le courage de la vie des marins et de leurs épouses et de leurs conjoints, en Bretagne aujourd’hui. Cela m’a fait penser aux Travailleurs de la mer. 150 ans plus tard, ce sont les mêmes. Le personnage joué par Nina Meurisse, qui emmène les Bretons dans la recherche de la vérité, résonne, me semble-t-il, un peu comme le Gilliatt d’Hugo. C’est la même dignité, le même courage, et la même vie très simple, mais vraiment admirable."


À propos de la SNCF

Philippe Meyer, créée le 20-05-2025

"Pour ce qui est des brèves, je rebondirai sur le train Paris-Clermont-Ferrand. Des gens comme Laurent Bouvet ont mis au centre de leur réflexion l’identité culturelle, en disant qu’il n’y a pas que les problèmes économiques. Et dans l’identité culturelle française, parmi les piliers importants, il y a l’école, il y a l’hôpital, il y a la sécurité de tous les jours, et il y a la SNCF. C’est une particularité de ce pays : la SNCF fait partie de notre identité, de la fierté nationale. Et il se trouve que, de tous ces piliers, celui qui est le plus facile à améliorer, à réformer, à reprendre, qui ne demande que, si j’ose dire, de l’argent et une volonté, c’est la SNCF. Et je ne comprends pas que ce soit par exemple totalement absent de l’interview du président par laquelle nous avons commencé cette émission. Je soutiens que la réforme, l’amélioration, la remise au niveau de la SNCF est un pilier très important pour qu’on puisse commencer à croire que la politique a prise sur le réel."


L’imaginaire est une réalité

Nicolas Baverez, créée le 20-05-2025

"Il y a des historiens qui sortent de l’ordinaire parce qu’ils inventent des objets historiques. Anthony Rowley, par exemple, avait réintégré l’histoire de la cuisine, de la gastronomie, de la table dans le champ de l’histoire. Et je voulais recommander la lecture de l’entretien de Michel Pastoureau avec Laurent Lemire, qui est une forme de mémoire. Michel Pastoureau a réussi à faire de l’histoire sur deux champs que ses maîtres, a priori, jugeaient impossibles. Le bestiaire — puisque c’est un spécialiste du Moyen Âge, mais qui, à partir de l’héraldique, a travaillé sur l’image du cochon, du loup, du taureau, du corbeau ou de la baleine. Et je crois qu’il a en perspective l’âne et le renard. Et surtout, il a fait une histoire des couleurs, avec des livres successifs sur le noir, le vert, le rouge, le jaune, le blanc ou le rose. Et ce sont des livres extraordinaires, qui fonctionnent remarquablement. Cela vaut donc vraiment la peine de lire ces entretiens et de voir comment il a construit, contre le consensus de la discipline, des objets d’étude qui font mieux que tenir la route, et qui sont extrêmement originaux. Par ailleurs, l’homme qui écrit extraordinairement bien, et on ne s’ennuie jamais en ouvrant ses livres."


France-Algérie, le double aveuglement

François Bujon de L’Estang, créée le 20-05-2025

"Je saluer la sortie du nouveau livre de Xavier Driencourt sur la relation franco-algérienne. Il fait écho à un autre livre qu’il avait publié en 2022, appuyé sur ses souvenirs. L’auteur a été deux fois ambassadeur à Alger, de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020, sous Sarkozy puis Macron. Et il porte sur l’ensemble de la relation un regard très critique, mais je crois très lucide. Il incrimine largement l’Algérie, dont le système est d’une totale opacité, verrouillé par l’armée, par les services de renseignement, avec des méthodes souvent mafieuses, et avec des gens formés très largement à Moscou (tous les cadres de l’armée, par exemple). Un régime qui n’a pas réussi à assurer le succès à l’Algérie, ni sur le plan économique, ni sur le plan humain (la société algérienne est profondément troublée), ni même sur le plan international, puisque l’Algérie est aujourd’hui très isolée, et qu’elle n’a même pas réussi à faire admettre sa candidature parmi les BRICS. En face, il y a une France qui continue d’être très inhibée et très paralysée dans sa relation, par une espèce de repentance qui ne s’avoue pas, et qu’il appelle « bienveillance spontanée ». C’est cette espèce d’attitude toute faite avec laquelle sont accueillies toutes les provocations, toutes les mauvaises manières dont l’Algérie nous abreuve. Cette analyse très sévère aboutit à une recommandation : résister à l’Algérie et lui tenir la dragée beaucoup plus haute. Le livre est petit, concis, très percutant, et mérite vraiment d’être lu. Il appelle notre attention sur la nécessité de revoir complètement notre relation avec une Algérie qui a fait son fond de commerce d’une rancune antifrançaise."


Le silence de Bétharram : le récit choc du lanceur d'alerte et ancien élève

Michaela Wiegel, créée le 20-05-2025

"Je voudrais recommander ce livre qui m’a vraiment bouleversée. C’est écrit par Alain Esquerre, qui est un des élèves et victime des violences (pas des sévices sexuels), parce qu’il contraste vraiment avec le travail de l’actuelle commission d’enquête, par la recherche, d’abord, mais aussi par la monstration des mécanismes de ce silence et puis par les solutions proposées, qui ne sont pas des tentatives de tirer profit politiquement des défaillances ou des faillites. Le livre est très poignant, et je le recommande même à tous les membres de cette commission d’enquête, qui a interrogé le Premier ministre pendant cinq heures, afin de se concentrer sur l’essentiel et de ne pas essayer d’en faire un spectacle de calcul politique, comme c’était malheureusement trop le cas pendant cette audition."




Disparition de Mario Vargas Llosa

Nicolas Baverez, créée le 27-04-2025

"J’aimerais évoquer la mémoire de Mario Vargas Llosa. Pour le coup, c’était un vrai Latino-Américain, mais qui a été sans doute le plus européen des Latino-Américains. Un homme qui croyait en l’écriture, qui croyait en la vie et qui croyait en la liberté. Il était le dernier représentant de cette génération incroyable d’auteurs latino-américains : Cortázar, Fuentes, évidemment son ami García Márquez, avec lequel il s’est brouillé. Son œuvre continue à nous éclairer sur ce qu’est le populisme — La fête au bouc, sur la fin de Trujillo, c’est un livre magnifique — mais ça montre bien ce mélange de mensonges et de peur qui est en train de gagner les États-Unis d’aujourd’hui. Et on peut rappeler aussi qu’il a fait une autobiographie intellectuelle et politique, qui s’appelle L’appel de la tribu, dans laquelle il résume les sept auteurs qui l’ont converti du communisme au libéralisme. On trouve José Ortega y Gasset, bon Hayek, Karl Popper, Isaiah Berlin, et deux Français : Raymond Aron et Jean-François Revel. Cette éthique, cette politique de la liberté est vraiment importante dans ce moment d’âge des empires, d’âge des prédateurs et des hommes forts."


L’art est dans la rue

Philippe Meyer, créée le 27-04-2025

"Je vous recommande cette exposition du musée d’Orsay, qui nous présente les affiches et leur formidable essor pendant la seconde moitié du XIXème siècle. Elle donne à voir ce que nombre de maîtres de l’affiche, comme Bonnard, comme Chéret, comme Steinlen et comme Toulouse-Lautrec ont pu faire. C’est une exposition importante, complète, où on voit aussi bien l’affiche comme instrument de la publicité, de la vente des marchandises, que comme instrument politique ou comme instrument de la réclame pour les spectacles. Par ailleurs, la scénographie en est très agréable. Pour ceux qui voudraient s’y rendre, je signale qu’après avoir interrogé un gardien et la vendeuse de la librairie, le jour le plus recommandé est le mercredi, ou le jeudi matin, juste à l’ouverture."


Locarno

Michaela Wiegel, créée le 27-04-2025

"Comment sauver la paix ? C’est la question qui est de façon romanesque décrite dans ce roman de Christine de Mazières. On sent qu’elle s’est plongée dans les archives allemandes et françaises pour décrire ces négociations entre Aristide Briand d’un côté, et Gustav Stresemann de l’autre, et pour montrer des questions qui restent aujourd’hui vraiment d’actualité : après le traité de Versailles, comment rapprocher et bâtir une paix qui soit durable ? On a parfois l’impression qu’effectivement, alors qu’on s’oriente vers une paix de diktat de la Russie sur l’Ukraine, nous, Européens, aurons probablement bientôt notre Locarno à faire pour rendre une situation entre l’Ukraine et la Russie plus viable."


Silence

Marc-Olivier Padis, créée le 27-04-2025

"Notre conversation d’aujourd’hui m’a fait penser à ce roman japonais de Shûsaku Endô. Le pape François avait déclaré qu’il avait regretté de ne pas pouvoir se rendre au Japon, où il rêvait d’aller quand il était jeune jésuite. Et de fait, le Japon est un pays particulier pour les Jésuites, puisque saint François-Xavier y est allé dès le XVIème siècle et avait converti quelques petites communautés au catholicisme. Mais les missionnaires chrétiens ont été expulsés du Japon en 1614, et des persécutions ont été menées par le pouvoir contre les Japonais convertis au christianisme, ce qui a été le prélude à la fermeture du Japon, qui a ensuite duré fort longtemps. C’est ce que raconte ce roman, dans lequel trois jeunes prêtres jésuites sont entrés clandestinement au Japon pour soutenir les communautés catholiques persécutées. C’est une belle réflexion sur la foi, le prosélytisme, la rencontre entre le catholicisme et le Japon, dont Martin Scorsese a tiré un film, qui s’appelle aussi Silence, avec toutes les obsessions autour du catholicisme que l’on connaît dans son cinéma."