Les brèves

Distribuer l'argent du roi au XVIIIe siècle : la monarchie dévoilée

Antoine Foucher, créée le 21-09-2025

"Je recommande cette enquête historique sur les années 1780-1791 autour de la question des pensions versées par le roi. J’avoue que je n’avais pas mesuré à quel point ce sujet était central à l’époque : il ne s’agissait pas seulement de finances publiques, mais aussi des pensions accordées à la cour et à tous ceux qui avaient rendu service au roi. Benoît Carré (pas celui qui travaille pour notre émission) a dépouillé de nombreuses archives et restitue avec précision l’ambiance du royaume et les crispations autour de cette question : qui reçoit ces pensions et pourquoi ? On y découvre les techniques de Necker, qui, comme aujourd’hui, choisit de dire la vérité pour choquer l’opinion et provoquer la réforme. On voit Louis XVI tenter de remettre de l’ordre pour sauver les finances. Ce qui est particulièrement fascinant, c’est la fin de ce système : à la veille de la Révolution, la noblesse militaire de province, peu gratifiée en pensions, s’allie avec le tiers état contre la noblesse de cour, oisive et privilégiée. Cette alliance contribue à la dynamique révolutionnaire et aboutit à la mise en place de finances publiques plus modernes et plus transparentes."


Georges Marchais ou la fin des Français rouges

Jean-Louis Bourlanges, créée le 21-09-2025

"J’ai lu cette biographie de Georges Marchais, écrite par Sophie Coeuré, professeure à l’université Paris-Cité et spécialiste de l’Union soviétique. Après avoir longtemps travaillé sur les archives soviétiques, elle s’est tournée vers le chef de la « succursale française », analysant le système à travers Marchais plutôt que depuis Moscou. Le livre montre d’abord combien le mensonge initial sur la participation de Georges Marchais au STO a pesé sur toute sa carrière : il en a été culpabilisé, manipulé, et cela a façonné sa trajectoire. Il souligne aussi son insertion profonde dans le combat internationaliste dirigé par l’URSS. Ce qui me frappe en refermant cette biographie, c’est que, malgré l’importance de Marchais à son époque — les gens de ma génération ont tous en tête ses discours, ses gestes, son rôle de contemporain capital — il ne reste aujourd’hui plus rien de lui."


Hommage à Robert Redford

Philippe Meyer, créée le 21-09-2025

"Robert Redford qui vient de mourir a réalisé une dizaine de films. Il marquait une préférence pour son premier, Des Gens ordinaires, non seulement parce qu’il avait dû affronter toutes sortes d’obstacles pour le monter, mais parce qu’il s’y exprimait sur un thème pour lui essentiel que l’on retrouve dans Et au milieu coule une rivière, celui de la complexité et de la difficulté des liens familiaux, celui de l’amour des uns pour les autres qui se heurte à d’incompréhensibles obstacles qui n’ont rien à voir avec le manque d’affection mais avec l’incapacité à l’exprimer, ou à la traduire en actes. Je crois que l’essentiel de ce qu’a réussi à montrer Redford est exprimé par le pasteur presbytérien, père des deux frères de Et au milieu coule une rivière, aussi dissemblables que pleins d’affection l’un pour l’autre et pour leurs parents, qui expriment leur proximité, non dans les mots mais une passion commune pour la pêche. Longtemps après la mort tragique du plus jeune, dans son prêche d’un dimanche qui clôt le film, le pasteur s’adresse ainsi à ses ouailles, à sa femme et à son fils aîné : « Il arrive dans la vie de chacun d’entre nous un moment où, voyant un être aimé dans le besoin, nous nous demandons : je veux l’aider, seigneur, mais de quoi a-t-il besoin ? Car nous pouvons rarement aider nos proches, soit que nous ignorions quelle part de nous-mêmes donner, soit que la part que nous avons à donner ne convienne pas. Ainsi ce sont ceux que nous devrions connaître qui nous échappent, mais nous pouvons les aimer quand même, aimer complètement sans comprendre entièrement. »"


Un simple accident

Nicole Gnesotto, créée le 14-09-2025

"Durant mes pérégrinations estivales, j'ai eu la chance d'assister en avant-première à la projection du film qui a eu la palme d'or cette année, réalisé par Jafar Panahi, cinéaste iranien. Il sortira le 1er octobre, et c’est un film absolument exceptionnel pour deux raisons. D’abord son style, c'est très rare d'avoir du cinéma qui innove. Or ce film se déroule à la fois comme une tragédie filmée à l'intérieur d'une camionnette, mais c’est aussi un film fellinien avec des scènes d'un burlesque extraordinaire. C'est un mélange virtuose de styles cinématographiques. Ensuite, il y a bien sûr sur le contenu, parce qu'on a vu beaucoup de films sur l'atrocité du régime iranien, c'est la première fois que je vois la corruption comme un sujet central. Par exemple tous les policiers ont un terminal de carte bleue dans la poche, ce qui facilite la vie de tout le monde … C'est un film d'une complexité et d'une facture tout à fait intéressante ; il vous marque longtemps."



Assassinat de Charlie Kirk

Philippe Meyer, créée le 14-09-2025

"L’assassinat de Charlie Kirk m’a conduit à lire et visionner ce qui était disponible sur cet influenceur américain, notamment les vidéos de différentes manifestations dont il était l’animateur. D’abord, on voit qu’il était davantage un MAGA qu’un trumpiste, du moins qu’il avait commencé à prendre ses distances avec Donald Trump à cause de l’affaire Epstein. Ensuite on s’aperçoit à quel point cette affaire illustre parfaitement la thèse du livre de Mathieu Gallard Les États-Unis au bord de la guerre civile ?, qui était sous-titré « pourquoi les Américains se détestent ». Le livre est une analyse de la polarisation de la vie politique aux USA, commencée après la guerre (qui avait soudé la nation), et qui n’a cessé de croître depuis. D’après Mathieu Gallard, jusque dans les années 1990, il existait encore un sentiment d’appartenance à une collectivité nationale. On pouvait encore s’entendre sur certains grands enjeux structurants. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, où l’on observe une polarisation affective : non seulement on est en désaccord idéologique profond avec les électeurs du parti adverse, mais ne plus, on ne les aime pas : on les juge malhonnêtes, malveillants. réer, ce ne sont plus seulement des adversaires, mais bien des ennemis. "


Hommage à Rick Davies

Richard Werly, créée le 14-09-2025

"Pour ma part, à l’occasion e la disparition de Rick Davies, ce sera un hommage à notre jeunesse, l'hommage à Supertramp ; une musique, un style musical, mais aussi un certain sens de la fête … Mais c'était aussi une image des Etats-Unis. Des Etats-Unis qui faisaient rêver, vous vous rappelez la pochette de l’album Breakfast in America. Je me demande aujourd'hui qui a encore envie de prendre son petit déjeuner en Amérique ou d'avoir un petit déjeuner américain. On a écouté beaucoup Supertramp ces jours-ci et ça faisait du bien dans ce marasme français et dans cette inquiétude américaine."


La peau dure

Marc-Olivier Padis, créée le 14-09-2025

"Dans la rentrée littéraire, énormément de livres parlent de relations familiales et j'ai choisi de lire celui que Vanessa Schneider consacre à son père Michel Schneider, haut fonctionnaire, essayiste, psychanalyste et musicien. Il avait été directeur de la musique au ministère de la Culture et avait écrit un essai, une critique radicale de la période Jack Lang, très polémique, mais très vigoureux, très documenté, et assez courageux. Mais aussi un livre sur Glenn Gould, vraiment magnifique, un chef d'œuvre d'initiation, en tout cas pour quelqu'un comme moi qui connaît mal la musique classique. Vanessa Schneider choisit un angle un peu générationnel en comparant sa génération à celle de son père, cette génération d'après-guerre qui a fait mai 68, qui s'est fourvoyée dans le gauchisme (le maoïsme dans le cas de son père) et qui s'est rattrapée après le tournant de 1981. Et comme le dit Michel Schneider à sa fille « nous sommes la première génération à avoir tué à la fois le père et le fils ». C'est cette citation qui fournit le fil rouge de cette remémoration filiale et familiale."


Jusqu'au bout de la nuit : les vies de Jacques Benoist-Méchin : 1901-1983

Matthias Fekl, créée le 14-09-2025

"Et pour l'histoire je recommande la lecture de la remarquable biographie d'Éric Roussel consacrée à Jacques Benoist-Méchin. Grand intellectuel des années 1920 et 1930, fasciné par le fascisme et par l'Allemagne nazie, il s’agit d’une réflexion sur comment on peut être brillant, cultivé et pourtant se fourvoyer totalement. Le livre traite aussi de la fascination pour la force, malgré l'abjection de ces régimes, on comprend qu'il y a un gros problème, au moment où, écrit Éric Roussel, Laval considère que Benoist-Méchin est trop proche de l'Allemagne … Et puis par contraste, cela montre aussi que malgré toutes ces imperfections, dans les périodes troubles l'attachement à la démocratie doit demeurer indéfectible."


Cléo de 5 à 7

Lucile Schmid, créée le 07-09-2025

"J'étais cet été voir une exposition sur le Paris d'Agnès Varda, à savoir le quatorzième arrondissement, et je vous conseille de voir ou revoir ce film magnifique, Cléo de 5 à 7, qui date de 1962, et qui raconte cette promenade dans Paris d'une jeune chanteuse qui attend ses résultats médicaux et qui s'inquiète sur la possibilité d'avoir une maladie grave. Elle se promène donc dans ce quatorzième arrondissement, où elle va faire un certain nombre de rencontres … C'est un film à la fois intime, politique et parisien. Et au parc Montsouris, un inconnu, joué par Antoine Bourseiller, va la réconforter alors même qu'elle a réalisé toute la futilité de son existence à travers cette promenade dans Paris, où aucun de ses amis n'était en mesure, de lui parler profondément de ce qui lui arrivait. Et cette rencontre inopinée est émouvante et unique (car le jeune homme part en Algérie). Elle introduit aussi l’idée que cette façon dont on fait de la politique peut être parfois plus intéressante que le jeu parlementaire."


Maniac

David Djaïz, créée le 07-09-2025

"Je voudrais vous recommander la lecture d’un livre qui m’a beaucoup impressionné, Maniac, écrit par Benjamin Labatut, un auteur chilien. Il avait déjà publié « Lumières aveugles » il y a quelques années. Le livre ne raconte rien de moins que la naissance de la bombe nucléaire dans le sillage du projet Manhattan, à travers la vie de John von Neumann, qui était un des plus grands esprits du XXème siècle, physicien, mathématicien, l’un des pères de l’informatique moderne et de l’Intelligence Artificielle, avec le supercalculateur Maniac. La partie la plus impressionnante est la troisième partie du livre, dans laquelle il décrit à la manière d’une épopée, l’affrontement entre l’homme et la machine, et plus exactement entre le Coréen Lee Sedol, qui était le plus grand champion de Go de tous les temps, et le système AlphaGo, construit par les équipes de Google DeepMind, qui a infligé à l’homme et à l’humanité une défaite cinglante. Cet événement, pour moi, est le plus grand événement du XXIème siècle, même s’il a reçu un intérêt désinvolte en Europe. Il faut s’y intéresser, il faut lire ce livre, c’est de la grande littérature et c’est extrêmement intéressant."


Jean-Louis Bourlanges officier de la Légion d’honneur

Philippe Meyer, créée le 07-09-2025

"Vendredi 5 septembre aux environs de 20h, dans la salle de l’horloge du ministère des Affaires étrangères, au Quai d’Orsay, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères M. Jean-Noël Barrot a épinglé les insignes d’officier dans l’ordre de la Légion d’honneur sur le sein de Jean-Louis Bourlanges. Le ministre a, comme c’est l’usage, prononcé un discours, dont vous trouverez les extraits les plus substantiels, et notamment tous ceux qui montrent l’écho que le Nouvel Esprit Public rencontre après ces huit ans de podcast. Jean-Louis Bourlanges a répondu par un discours, qui revient sur l’ensemble de son engagement politique et de son analyse notamment en matière de situation internationale. Et pour la première fois depuis que je le connais, il a tenu son engagement traditionnel en ce qui concerne la brièveté. C’est-à-dire qu’il a commencé en disant « Je ne serai pas bref ». Et il a tenu parole … Et je ne m’en suis pas plaint ..."