Les brèves

Cause toujours Philippe Muray

Philippe Meyer, créée le 10-06-2018

"Je rangeais des livres et j’ai retrouvé celui-là. Ce sont des chroniques que Philippe Muray, le regretté Philippe Muray, donnait à la Montagne. Il les a données pendant cinq ans, elles ont été sélectionnées et regroupées sous le titre Cause toujours aux éditions Descartes et Cie en collaboration avec la Montagne. D’abord, retrouver Philippe Muray est chaque fois quelque chose d’important. On est vraiment secoué, on s’arrête parfois et on est frappé par l’intelligence, la qualité du regard, la façon de voir les choses et évidemment aussi par la façon de les écrire. J’ajoute quand même qu’on pouvait reprocher à Philippe Muray d’être long et c’est arrivé dans un certain nombre de ses publications. Mais en même temps, il y a l’obligation, dans un journal, de format qui le sert formidablement. Je pense que Muray était d’accord avec la phrase de Gide « l’Art nait de lutte, vit de contrainte et meurt de liberté ». La contrainte du journalisme, cette contrainte de distance, à mon avis, potentialisait le talent de Philippe Muray et donc ça s’appelle Cause toujours et les références seront sur notre site."


J'ai épousé un communiste - Philip Roth

Philippe Meyer, créée le 03-06-2018

"J’inaugure notre dernière séquence des brèves en faisant remarquer que vous avez parlé les uns et les autres de la manière condescendante dont on regarde trop souvent l’Italie. Je tiens à préciser que dans notre précédent avatar nous avons consacré beaucoup d’émissions à l’Italie et que dans cet avatar-ci nous en consacrerons une autre avec Marc Lazar qui sera l’une des 6 thématiques consacrées à des pays et qui sera diffusé cet été, j’y reviendrai. Cette semaine le Un avait pour principal sujet Philip Roth récemment disparu. Peut-être, chacun selon son inclinaison du moment, si on veut se remettre à cet auteur, relire ou lire J’ai épousé un communiste qu’on trouve en collection de Poche et pour ceux qui devrait le découvrir car après tout pourquoi tout le monde le connaîtrait. Je trouve que la manière dont ce roman tourne autour du Maccarthysme, la manière dont on ressent cette pression dont elle vous détruit progressivement est admirablement décrite par Philip Roth. Tout ça avec un allant tout à fait étonnant."


Le Baron perché - Italo Calvino

Lucile Schmid, créée le 03-06-2018

"Moi j’avais envie de dire que c’était bien, puisqu’on parle beaucoup d’Italie de lire et de relire Le baron perché d’Italio Calvino paru en 1957, période de fondation de l’Union Européenne. Pourquoi lire et relire ? Parce que l’histoire de ce jeune baron qui à 12 ans décide de monter dans les arbres car il ne veut pas manger le plat d’escargot que lui a servi son père psychorigide, est quand même une leçon de liberté remarquable. Je voulais citer cette phrase : « il vécut dans les arbres, aima toujours la terre et monta au ciel ». Donc ça je trouve que c’est merveilleux. Et rappeler que vivre dans les arbres n’est pas une leçon de solitude, on peut y vivre une histoire d’amour, y rencontrer Napoléon et au fond vivre une relation apaisée avec la société car on sait prendre de la distance. "


Hommage à Pierre Hassner

Marc-Olivier Padis, créée le 03-06-2018

"Je voudrais saluer la mémoire d’un ami disparu cette semaine : Pierre Hassner. C’était un très grand commentateur de la politique internationale, c’était une personnalité exceptionnelle. Quand on dit « exceptionnel » on imagine quelque chose qui ne lui ressemblerait pas car c’était un homme d’une très grande modestie, d’une très grande modération en tout sauf en sa modestie d’ailleurs. D’une trop grande discrétion, il avait réussi notamment à remettre à l’honneur l’analyse des passions politiques dans les relations internationales où la Science Politique met trop l’accent sur les intérêts et les monstres froids. Il pouvait le faire car il avait une formation classique extraordinaire, il a écrit des articles sur la politique de Kant, de Hegel et de Rousseau qui sont des chefs d’œuvre et restent des textes classiques. Il avait une très bonne formation classique, c’était un homme d’article aussi. Il n’a pas écrit véritablement de livre donc tous les livres qu’on peut lire de lui sont des recueils d’articles qui sont remarquables. Je voudrais citer le dernier qui est paru, précisément La Revanche des passions : métamorphose de la violence et crise du politique chez Fayard. J’avais eu la chance de faire un voyage avec lui en Roumanie, il y a quelques années. Il était d’origine roumaine, il n’aimait pas du tout ce pays, c’était la première fois qu’il y remettait les pieds et quand je lui demandais ce qu’il ressentait, il me répondait « rien, je n’ai aucune affection pour ce pays, j’ai encore dans l’oreille les appels au Pogrom lancés par les fascistes roumains ». "


La ruée vers l'Europe - Stephen Smith

François Bujon de L’Estang, créée le 03-06-2018

"La Revue des 2 mondes vient de remettre son prix annuel. Un prix qu’elle décerne toujours à un essai en langue française paru dans l’année. Ce prix est allé au livre de Stephen Smith La ruée vers l’Europe. Stephen Smith, comme son nom ne l’indique pas, est un journaliste français bien qu’il soit franco-germano-américain. Il est professeur à l’université de Duke en Caroline du Nord où il enseigne les affaires africaines, il a été auparavant le chef de la Rubrique Afrique dans les journaux français à Libération d’abord puis au Monde et en se fondant sur la démographie et sur des chiffres extrêmement percutants il a écrit ce livre La Ruée vers l’Europe : la jeune Afrique en route pour le Vieux Continent publié chez Grasset. Ca se lit remarquablement bien et cela montre la bombe démographique que nous avons sur le pas de notre porte puisque le 1,5 milliard d’africains qu’il existe aujourd’hui deviendra 2,5 milliards en 2050 alors même que la population de l’Europe diminue et qu’il démontre de façon très intéressante dans un chapitre médian de son livre, le fait que c’est le développement économique dans un certain nombre d’Afrique qui est le ressort principal de l’émigration et non l’extrême misère car les gens qui sont dans l’extrême misère sont malheureusement incapables de se donner les moyens de songer à l’émigration. C’est au contraire l’élévation du niveau de vie, l’éducation etc qui poussent un certain nombre d’africains à vouloir tenter l’aventure européenne. Et ce défi gigantesque est fort bien argumenté et fort bien posé par le livre de Stephen Smith."


Les carnets du Paysage

Marc-Olivier Padis, créée le 27-05-2018

"Alors je voudrais vous recommander une revue qui s’appelle les Carnets du Paysage, publiée par Acte Sud en commun avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage. C’est une revue dirigée par deux philosophes qui sont Jean-Marc Besse et Pierre Donadieu qui sont deux spécialistes des questions de géographie et du paysage. Ce numéro est consacré à la question du « commun », c’est à dire à la gestion collective des biens communs, des ressources communes et précisément, c’est souvent à propos des ressources naturelles que la question des communs a été posée et développée par conséquent, le paysage est concerné de multiples manières par ce sujet. On trouvera dans ce beau numéro qui est richement illustré, une très belle présentation des articles du paysagiste Gilles Clément, de la philosophe Catherine Larrère et de beaucoup d’autres donc je rappelle les Carnets du Paysage chez Actes Sud"


Le Monde vu d'Asie au fil des cartes

Philippe Meyer, créée le 27-05-2018

"Actuellement au musée Guimet : une exposition qui s’appelle le « Monde vu d’Asie ». C’est une exposition qui montre comment les cartes géographiques les japonaises, les chinoises, les indiennes ou les coréennes, se sont représentées le monde au fil des siècles. Sur le plan de l’esthétique ce sont des cartes absolument magnifiques et sur le plan de l’analyse géographique ou géopolitique, il y a là de quoi méditer et de quoi se renseigner. Et donc j’invite vivement ceux de nos auditeurs qui sont parisiens, banlieusards ou qui viendraient à venir à Paris à aller voir cette exposition « le Monde vu d’Asie au fil des cartes »."


La mort de Staline

Jean-Louis Bourlanges, créée le 27-05-2018

"Si vous détestez le Stalinisme vous avez bien sûr la vieille option qui consiste à lire L’opium des intellectuels de Raymond Aron mais je dois dire qu’il faut aller voir la Mort de Staline. C’est un produit absolument exceptionnel parce que c’est une vision assez claire des intrigues abominables qui ont entouré la mort de Staline notamment le complot de Beria qui se termine par sa revolvérisassion par ses petits camarades donc c’est assez sérieux. Mais en même temps c’est quelque chose d’autre. C’est un film d’un réalisateur britannique qui porte un nom italien Armando Iannucci sur la base d’une bande dessinée de Thierry Robin et Fabien Nury qui est assez remarquable et pourtant ça n’est pas réel, ces gens parlent anglais, ces gens ne prétendent pas du tout ressembler au modèle malgré le fait qu’on les voit tous : Khrouchtchev, Beria et les autres. Mais c’est surréaliste, c’est à dire que c’est plus réel que le réalisme. C’est une espèce de description hilarante à la Monty Python etc. mais hilarante de toutes les pathologies d’un régime absolument abominable et où on voit que la dénonciation de l’horreur par la dérision c’est souvent beaucoup plus efficace que par l’indignation."


Chris Marker à la cinémathèque et dans la revue Esprit

Lucile Schmid, créée le 27-05-2018

"Moi je voulais recommander d’aller à la cinémathèque française pour aller voir l’exposition sur Chris Marker qui porte le nom de « Les 7 vies de Chris Marker » et il se trouve qu’en même temps, la revue Esprit publie un numéro qui s’appelle « Les engagements de Chris Marker ». Vous savez Chris Marker c’est un artiste voyageur polymorphe et il y a notamment dans ce numéro de la revue Esprit un article qui s’appelle « Croix de bois et chemin de fer ». C’est un article qui raconte un voyage de Chris Marker en Allemagne en train dans les années 50 où il se confronte à des allemands et notamment il y a une citation absolument extraordinaire où quelqu’un lui dit : « Je suis arrivé à Paris en juillet 1944, pas de chance nous avons été obligés de repartir tout de suite » et je trouve que par rapport à ce qu’a dit Jean-Louis Bourlanges sur la dérision ça résume toute la pensée de Chris Marker"


Hommage à Philip Roth

François Bujon de L’Estang, créée le 27-05-2018

"Personnellement je voulais saluer la mémoire de Philip Roth qui nous a quittés cette semaine à l’âge de 85 ans et il faut vraiment être un scandinave semi-assoupi du jury du prix Nobel pour ne pas constater que Roth est un des plus grands écrivains du XXe siècle. Il est vrai qu’ils ont déjà raté Joyce, Proust et Nabokov qu’ils n’ont pas davantage couronné. Tout ça pour dire que c’est l’un des plus grands auteurs américains de la deuxième moitié du XXe siècle. C’est un homme qui au-delà des explorations psychanalytiques s’est beaucoup interrogé sur la nature humaine et ses dernières œuvres sur la maladie, le vieillissement, la mort sont absolument bouleversantes dans l’ensemble et que ses grands romans comme American Pastoral décrivent les névroses ou les maladies de la société américaine du siècle dernier avec une acuité et avec un talent qui en font un vrai géant de la littérature "


Le rapport d'Oxfam sur le partage des richesses

Jean-Louis Bourlanges, créée le 20-05-2018

"Je voulais saluer le fait que Madame Duflot ait décidé d’arrêter la politique et de rejoindre Oxfam juste au moment où Oxfam sort une analyse qui me paraît conforter l’engagement de Duflot puisque c’est une ânerie absolue sur le plan économique, Oxfam produit une étude disant que l’augmentation de la part des dividendes distribués par rapport aux dividendes réinvestis était un signe de la détérioration du niveau de vie des salariés. Je crois que c’est une erreur économique élémentaire, le partage de la valeur ajoutée c’est ça qui compte et il se fait d’un côté par les salaires et de l’autre côté par les bénéfices qui sont soit distribués soit réinvestis. Et ce choix entre réinvestissement ou redistribution c’est simplement un choix entre remettre de l’argent dans l’entreprise ou donner la possibilité aux actionnaires de le mettre dans d’autres entreprises ce qui est conforme puisqu’un actionnaire c’est celui qui engage son capital et cela correspond évidemment à une logique économique. Il y a des entreprises qui ont besoin d’investir d’autres qui n’ont pas besoin et quand on distribue ses dividendes il faut réfléchir à ça. Donc il faudrait arrêter, en France, de se poser des questions techniquement et économiquement absurdes si on veut faire une vraie politique sociale."


Aventures d’un géographe de Yves Lacoste

Béatrice Giblin, créée le 20-05-2018

"Je vais parler d’un livre d’une personnalité et ami qui m’est chère Yves Lacoste, qui sort ses mémoires dans Aventures d’un géographe. C’est un livre extrêmement touchant et qui montre bien la liberté de penser, la liberté d’individu que représente Lacoste. Il a beaucoup fait pour développer la géopolitique en France et la réflexion en créant Hérodote, dont il m’a confié la direction il y a 10 années de cela. Il retrace sa naissance au Maroc, ce qu’ont représenté ses premières années au Maroc et ensuite tout ce qui fait qu’il est profondément géographe. Il y a vraiment des récits qu’il faut relire."