Les brèves

Misère(s) de l’islam de France

Béatrice Giblin, créée le 08-05-2022

"Je vous recommande cet ouvrage de 2017, qui vient d’être republié. L’auteur Didier Leschi est un haut fonctionnaire, ancien Préfet et actuellement directeur de l’Office français de l’immigration et de l’insertion. Il a un regard à la fois bienveillant et critique sur ces misères de l’islam de France. Il se demande pourquoi l’islam moderniste ne progresse pas véritablement dans l’ensemble de la population musulmane française. Beaucoup d’intellectuels musulmans écrivent des ouvrages remarquables, mais ils sont à une distance lointaine de ce que vit le musulman pratiquant moyen. Il est important et utile de réfléchir à ce problème, ainsi qu’au rôle relativement faible que tiennent les imams (à part quelques-uns très médiatisés) dans l’accompagnement d’une modernisation."


La ferme des animaux

Philippe Meyer, créée le 01-05-2022

"Nous avons tous des livres que nous sommes sûrs de bien connaître. On les a lus, on les a beaucoup aimés, on les cite même quelques fois. Et puis un beau jour, ils tombent de votre bibliothèque, et vous vous dites : « tiens ? ». Vous les re-feuilletez, puis les relisez, et vous apercevez à quel point tout le bien que vous en pensiez, toute l’importance qu’ils ont pu avoir dans votre formation était fondés, et que vous en avez sans doute un peu affadi ou perdu la puissance en les laissant sur l’étagère. Ce fut le cas de ce livre de George Orwell que je viens de relire."


La fièvre des urnes 2500 ans de passions électorales

Lionel Zinsou, créée le 01-05-2022

"J’aimerais rendre hommage à la fondation Michalski qui accueille notre conversation de cette semaine. Elle est consacrée à l’écriture et à la littérature, il fallait donc trouver un livre qui va étonner beaucoup de gens, et peut-être les passionner. Il est signé d’un spécialiste de la rhétorique, et au demeurant un de mes amis de lycée et de l’Ecole normale. Alors certes, son champ d’expertise est très pointu, puisqu’il s’agit de la rhétorique hellénistique tardive. Comme je trouve que les commentateurs de scrutins sont souvent trop pris dans l’instant et dans l’immédiateté, je cous recommande cette lecture. On s’aperçoit que les élections sont toujours des histoires de passion. Aussi bien à l’époque des Gracques où la passion politique poussait au meurtre ou au suicide, qu’aujourd’hui où nous avons eu une campagne remarquablement calme et sans violence. Les dimensions de soif de justice, de désir de revanche sont toujours là, il s’agit d’histoires passionnelles. En France, ce sont les meilleurs orateurs qui ont fait les meilleurs scores aux élections. Emmanuel Macron est incontestablement brillant de ce point de vue, ses éloges funèbres sont par exemple excellents. Mme Le Pen était secrétaire de la conférence des avocats, elle est indubitablement une bonne oratrice. M. Mélechon a des qualités d’orateur exceptionnelles, au point d’inventer les hologrammes pour dire en douze endroits à la fois, en captivant tout le monde, des choses plutôt inefficaces. M. Zemmour a lui aussi fasciné les foules. La rhétorique est un élément absolument central du succès politique. "


Révolution

Richard Werly, créée le 01-05-2022

"Je me suis pour ma part replongé dans le livre qu’Emmanuel Macron avait publié fin 2016. L’ouvrage était supposé être en même temps son programme et l’autobiographie par laquelle il se présentait aux électeurs. A le relire, je me suis aperçu qu’il y a une chose qui explique sans doute beaucoup du divorce (ou du moins de l’incompatibilité) entre Emmanuel Macron et une partie de la France : il est obsédé par l’avenir. Il y pense sans cesse. Je ne dis pas qu’il le pense bien, mais il regarde devant lui, et est prêt à prendre des risques. Or il y a en France (et cette observation a été confirmée par tous les voyages que j’ai faits pour travailler sur mon livre à propos de la ligne de démarcation) une France immobile, qui vit avec hantise la modernité et de l’avenir. "



La France contre elle-même

Lucile Schmid, créée le 01-05-2022

"Je ne m’étais pas du tout concerté avec Richard Werly, mais il se trouve que je comptais moi aussi parler de son livre … Ce que j’ai aimé dans ce voyage le long de l’ancienne ligne de démarcation mise en place pendant l’occupation, c’est qu’on y croise des Français qui connaissent leur Histoire, et d’autres qui ne la connaissent pas, et notamment un certain nombre de Gilets Jaunes, qui ne savent pas que Vichy était sur la ligne de démarcation. C’est à mon avis très éclairant sur la possibilité ou l’impossibilité de penser son avenir."


Se libérer de la domination des chiffres

Lucile Schmid, créée le 01-05-2022

"Si je vous conseille ce livre, ce n’est pas seulement parce que j’ai regardé le débat d’entre-deux tours, où Emmanuel Macron maîtrisait tous les chiffres par rapport à Marine Le Pen qui semblait paniquer dès qu’il s’agissait d’en évoquer un. On apprend la construction qu’il y a derrière chaque chiffre, sinon idéologique du moins philosophique, notamment à propos du chômage ou de l’inflation. Il y a une anecdote passionnante sur la façon dont l’Insee a retenu pendant plusieurs mois le calcul de la baisse du chômage en France entre 2004 et 2006. Nicolas Sarkozy expliquait qu’il avait baissé de deux points, et l’Insee a accepté de donner ces chiffres en septembre 2007 (après l’élection présidentielle) : les deux points s’étaient réduits à un demi-point. Cela nous montre comment la technocratie est utile en démocratie, comment nous devons veiller à empêcher la manipulation des chiffres."


Crise de la connaissance et connaissance de la crise

Nicole Gnesotto, créée le 01-05-2022

"Je vous recommande ce gros livre que vient de publier le Conservatoire National des Arts et Métiers. Il regroupe les réflexions de 44 professeurs du CNAM, faites pendant les confinement, à propos de la façon dont les crises multiples que nous traversons remettent en cause nos connaissances traditionnelles. L’ouvrage est en trois parties : la crise des connaissances sur la santé, sur l’économie, et sur la géopolitique. C’est un ouvrage collectif, plusieurs analyses sont vraiment remarquables ; il est préfacé par Arnaud Fontanet, qui occupe la chaire d’épidémiologie."


Scélératesse de la loi PLM

Philippe Meyer, créée le 17-04-2022

"Je m’attarde un instant sur le score dans sa propre ville de la maire de Paris au premier tour de l’élection présidentielle : 2,17%. Je voudrais le rapprocher de celui de l’abstention lors du second tour des municipales à Paris en 2020 : 63,29%. Indépendamment de la personnalité de la candidate, ceci me paraît être le fruit d’une loi, inventée par François Mitterrand pour sauver Gaston Defferre à Marseille, la loi dite « PLM » (Paris - Lyon - Marseille). Nous avions publié avec Robert Guédiguian (cinéaste marseillais) et le regretté Bertrand Tavernier (cinéaste lyonnais) une tribune pour en demander l’abrogation. Car cette loi aboutit à une situation que nous déplorons quand elle se passe de l’autre côté de l’Atlantique, comme lors de l’élection opposant Al Gore à George W. Bush, ou Hillary Clinton à Donald Trump : un candidat peut être battu alors qu’il a récolté un nombre de voix plus important que son adversaire. Car il y a des intermédiaires entre les citoyens et les candidats, et ce sont eux qui font l’élection. J’aimerais que les journalistes qui auront l’occasion d’interroger Emmanuel Macron et Marine Le Pen d’ici dimanche prochain leur demandent s’ils s’engagent à abolir cette loi qui mérite absolument le nom de loi scélérate. "


Les nouveaux masques de l’extrême-droite La radicalité à l’ère Netflix

Béatrice Giblin, créée le 17-04-2022

"Je vous recommande le livre de Raphaël Llorca. Il s’agit d’un petit livre, très intéressant pour éclairer nos propos sur Marine Le Pen, et la façon dont elle a adouci son discours, même si à regarder attentivement son programme, on s’aperçoit que rien n’a vraiment changé. L’auteur décrypte les codes esthétiques (les couleurs de ses vêtements, le regard toujours vers le haut, les vidéos de chat, etc.) tout ce qui a dédiabolisé la candidate du RN. Eric Zemmour a de son côté repris le créneau du candidat offensif, y compris sur ses affiches où il regarde bien droit. Ces décryptages aident à ne pas se laisser berner par les subterfuges des communiquants. "


Algérie 1962 Une histoire populaire

David Djaïz, créée le 17-04-2022

"On a célébré il y a quelques semaines les 60 ans des accords d’Evian dans une indifférence quasi-générale, alors que c’est un évènement considérable, tant pour l’Afrique que pour la France. C’est pourquoi je vous recommande ce très bon livre de l’historienne Malika Rahal. Il s’agit du récit des quelques mois qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie, vus d’Algérie, et surtout vus de la population. Le livre est très charnel, très sensoriel, on y entend beaucoup de cris, cela pétarade, tire, pleure … L’ouvrage est très bienvenu, car il y avait une espèce de trou noir de ce côté dans l’historiographie algérienne. Cette question algérienne est pour moi centrale, et je signale qu’il y a une proximité à ce propos entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Elle n’existe pas avec Marine Le Pen, ou Eric Zemmour, qui de leur côté sont dépositaires d’une tradition que Benjamin Stora a qualifié de « sudiste », qui n’a jamais accepté les équilibres résultant de l’indépendance de l’Algérie, et qui continue de travailler idéologiquement, et d’infuser en profondeur une partie du corps social. "


Au cœur de la finance utile A quoi sert votre épargne ?

Lionel Zinsou, créée le 17-04-2022

"Une lecture élitaire et minoritaire, voire un peu austère cette semaine. Eric Lombard, grand serviteur de l’Etat, directeur de la Caisse des dépôts et consignations, signe ce livre qui explique son métier de patron de la plus grande institution financière française publique. L’instrument même du « quoi qu’il en coûte », et la maison mère de la BPI (Banque Publique d’Investissement), caractéristique du macronisme hyper-social-démocrate et hyper-Etat-providence. L’auteur fait partie de la tradition « rocardo-strauss-kahnienne » du pouvoir actuel. Le titre même du livre est paradoxal, puisque très peu de Français accepteraient de qualifier la finance d’utile. On y parle de la banque des territoires, et on traite d’un problème passionnant : comment change-t-on la géographie du pays par un certain type d’instruments et d’investissements ? On parle beaucoup de recréer des « cœurs de ville », d’un « urbanisme raisonné » (qui a ses opposants, notamment les écologistes). Comment se fait la politique économique des territoires ? Avant les législatives, le sérieux de ce livre ne fera pas de mal, pour éclairer la façon dont on crée du bien commun et de nouvelles solidarités dans les territoires. "