Les brèves

La France sous nos yeux Économie, paysages et nouveaux modes de vie

Béatrice Giblin, créée le 17-10-2021

"Je vous recommande le dernier livre de Jérôme Fourquet, co-écrit avec Jean-Laurent Cassely. Fourquet est un bosseur : il a épluché une grande quantité de données pour ce livre, s’est rendu dans les tréfonds de statistiques qu’on n’a pas l’habitude de fouiller. Après l’Archipel français, l’ouvrage est très éclairant sur la rapidité et la brutalité d’un certain nombre de changements ces vingt dernières années, qui ont bouleversé le quotidien d’un grand nombre de Français, suscitant de nombreuses inquiétudes. Son chapitre sur la désindustrialisation à partir des années 2000, la façon dont des villes comme Tonnerre ou Lannion, où l’on avait misé sur les télécoms, ont été laminées avec des gens mis au chômage sans aucune perspective est très parlant. Six mois avant les présidentielles, l’ouvrage donne à réfléchir."


Henry Kissinger le diplomate du siècle

Nicole Gnesotto, créée le 17-10-2021

"Je vous recommande la biographie d’Henry Kissinger par Gérard Araud. Il y a deux livres dans ce livre : le premier est classique, il a trait à la politique étrangère américaine, notamment celle de Nixon, aux relations avec la Chine et au personnage diplomatique que fut Kissinger. Il y en a un autre, il s’agit d’un roman, celui d’une vie extraordinaire, de cette homme né en 1923 dans la Bavière déjà très antisémite. Il est issu d’une famille juive orthodoxe stricte, il va tous les jours deux heures à la synagogue avant l’école. Il étudie le Talmud, connaît la Torah par cœur, parle hébreu, etc. Son père est un intellectuel qui ne voit rien à la situation politique. Ce n’est pas le cas de sa mère, qui s’aperçoit qu’il est impossible de rester. Elle prend donc toute la famille et part aux Etats-Unis, où ils ne connaissent personne, ne parlent pas la langue, etc. J’en tire deux leçons : d’abord l’intelligence mène à tout, ensuite et surtout : l’université américaine est un tremplin extraordinaire du pouvoir, ce qui n’existe pas en France. Kissinger a tout de suite des mentors qui le propulsent jusque dans le cabinet présidentiel. "


Macron : les leçons d’un échec Comprendre le malheur français 2

Jean-Louis Bourlanges, créée le 17-10-2021

"Je voulais évoquer ce livre qui n’est pourtant pas de mon bord politique. Il s’agit des entretiens entre Marcel Gauchet, Eric Conan et François Azouvi. Il y a toujours un petit soupçon de paresse derrière un livre d’entretiens, mais Gauchet est un formidable analyste, et il dissèque ici tous les problèmes du quinquennat. Ce qui me paraît particulièrement intéressant, c’est qu’à la fin du livre, il met en cause la personne de Macron, « Macron le présomptueux ». Mais ce faisant, il implique que le véritable enjeu de la prochaine élection présidentielle est la qualité de l’homme d’Etat. Je ne m’associe pas à ce que dit Gauchet, je crois Macron nettement supérieur à ses concurrents, mais à un moment où l’on déplore partout qu’il n’y a plus de querelle idéologique et qu’il faut rétablir le clivage droite / gauche, on va s’apercevoir que cette élection ne sera qu’une réédition de Balladur vs Chirac."


Jacques Schiffrin un éditeur en exil

Philippe Meyer, créée le 17-10-2021

"Le second est un livre d’Amos Reichmann. Jacques Schiffrin a connu deux exils : de la Russie vers la France puis de la France vers les Etats-Unis pendant la seconde guerre mondiale. Il est l’éditeur de la Pléïade et de Panthéon Books. Il fut dépossédé de la Pléïade par Gaston Gallimard, ce livre plaira tout autant à ceux qui s’intéressent à l’édition qu’à ceux qui sont sensibles aux destinées singulières. "


Le traître et le néant

Lionel Zinsou, créée le 17-10-2021

"Pour permettre aux auditeurs de d’économiser 24,50€, je leur recommande de ne pas acheter le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Il a pourtant certains mérites : le titre est magnifique, il fait 620 pages et fait donc vivre quelques personnes dans l’industrie papetière. En revanche, c’est la troisième édition du best-seller pré-électoral, vous aviez deja eu à la même période, « Sarko m’a tuer », puis « un président ne devrait pas dire ça ». A chaque fois, c’était déjà faible, il ne s’agissait que de délation et de rumeurs de mauvaise qualité. Ici, on touche le fond. D’abord c’est uniquement à charge, Macron n’y est pas crédité du moindre mérité, si petit soit-il. Le traître c’est Macron et le néant c’est le macronisme, je le précise car à lire l’ouvrage, on pourrait croire que le traître est Davet tandis que le néant c’est Lhomme. Les bonnes feuilles vont bientôt sortir, à mon avis elles suffisent largement, car il n’y a aucun scoop, seulement quelques charges plutôt anecdotiques. Commencer en disant que Macron, c’est Richard III avec un peu moins de sang sur les mains est assez réjouissant, malheureusement, c’est le tout début, il n’y a plus rien de shakespearien ensuite."


L’île silencieuse

Philippe Meyer, créée le 17-10-2021

"Le premier ouvrage que je vous recommande est de Bruno Racine, qui dirigea un certain temps -et excellemment- la Bibliothèque nationale de France. Vous prenez un colonel en retraite, une escort-girl aux ambitions artistiques, un directeur de revue et un ancien des services secrets, vous les mettez sur l’Île Saint-Honorat, dans un monastère. Entre le silence des moines et les bavardages des uns et des autres, je vous laisse aller voir ce qui peut se passer."


Historiciser le mal

Michaela Wiegel, créée le 03-10-2021

"Philippe a commencé l’émission avec un éloge de la traduction que j’aimerais poursuivre. Peut-on, ou faut-il traduire Mein Kampf ? Je voulais rendre hommage au travail de titan du traducteur Olivier Mannoni, qui pendant une dizaine d’années s’est appliqué à restituer la langue d’Hitler dans sa mocheté, dans sa syntaxe détournée. Grâce au travail d’une équipe d’historiens, c’est devenu un livre important pur tous ceux qui veulent comprendre ce qu’a représenté ce livre à l’époque. Les éditions Fayard ont incontestablement eu raison de faire paraître ce livre important."


Pleine terre

Lucile Schmid, créée le 03-10-2021

"Je voulais vous recommander ce roman de Corinne Royer que j’ai trouvé magnifique. Il raconte l’affaire Jérôme Laronze. Peut-être avez-vous lu cet été dans Le Monde le récit par Florence Aubenas de la cavale de cet agriculteur bourguignon, éleveur de vaches charolaises et porte-parole de la confédération paysanne, qui s’est retrouvé poursuivi pour non-respect des normes et finalement tué par les gendarmes. Le récit de Corinne Royer est complètement habité, elle en fait une espèce de saga qui va au-delà de Jérôme Laronze, et nous éclaire sur la façon dont la question agricole est primordiale dans nos interrogations sociétales. Il y a dans ce roman une intensité extraordinaire, car la destinée de Jérôme Laronze (renommé ici Jacques Bonhomme) nous renvoie à l’absence de sens, et à la façon dont il faut incarner ces questions écologiques dont nous parlons sans cesse. Corinne Royer parvient dans ce roman à humaniser la question écologique, qui reste trop souvent scientifique ou abstraite."


Authentique rapport sur la nécessaire disparition de Venise

Philippe Meyer, créée le 03-10-2021

"« J’ai connu à Londres un Américain fort compétent, lequel m'a révélé qu'un bébé sain et bien nourri constitue à l'âge d'un an un plat délicieux, riche en calories et hygiénique, qu'il soit préparé à l'étouffée, à la broche, au four ou en pot-au-feu et j'ai tout lieu de croire qu'il fournit de même d'excellents fricassées et ragoûts. » Éclairé par cette information Jonathan Swift, pour résoudre le problème de la surnatalité et des famines endémiques en Irlande publia sa « Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public. Celui qui, sous le pseudonyme de Casanuova publie aux Éditions Exils un « Authentique rapport sur la nécessaire disparition de Venise » est un disciple de Swift, mais un disciple qui soutient sa proposition avec les remarquables arguments qui ne peuvent être que le fait d’un connaisseur intime de la cité lagunaire et de sa situation actuelle. On en jugera par le titre de certains chapitres : « Une ville pour les riches ; Le Mose où comment enrichir les parasites ; L’invasion chinoise. Il n'y a plus de cité, juste un cliché ; L'empire du faux ; Lascaux l'a fait ». Et l'auteur D'emprunter sa conclusion à Swift : « Je n'ai en vue que le bien de mon pays. Je cherche le développement de son commerce, le bien-être de ses enfants, le soulagement de ses pauvres et un peu d'agrément pour les riches. »"


(Re)constructions

Jean-Louis Bourlanges, créée le 03-10-2021

"Je voudrais faire quelque chose de peu convenable, et vous recommander le livre de notre camarade Nicolas Baverez. On ne sera pas étonné qu’il y reprenne ses thèmes habituels, Nicolas est quelqu’un plus enclin à se répéter qu’à se contredire, mais il les met sous un chapeau tout à fait différent puisqu’il replace son pessimisme habituel dans un cadre pandémique, et relie ce choc à ceux qui l’ont précédé. Je trouve qu’il y a quelque chose d’original par rapport à ce qu’on peut lire chez les autres : Baverez montre le faux diagnostic de la démondialisation ; il explique très clairement que la pandémie n’a pas ruiné la mondialisation ; elle a affecté les chaînes de valeurs et changé certains comportements, mais en réalité la planète économique et sociale reste un tout globalisé. Le livre a l’immense mérite pour nous autres Baverezologues émérites : nous étions habitués à un numéro d’affliction à caractère national, l’auteur a désormais atteint un niveau cosmique car c’est l’ensemble de l’Occident qui est désormais touché. Son pessimisme quasiment ontologique a enfin trouvé un terrain de jeu à sa mesure."


Le squelette de Big John

Matthias Fekl, créée le 03-10-2021

"Je vous conseille d’aller rue des Archives à Paris, où la Galerie du Marais expose dans une boutique pop-up le squelette de Big John. Ce sont les os d’un tricératops géant que vous pourrez y voir, vieux de 66 millions d’années. C’est tout à fait spectaculaire. Il sera bientôt vendu aux enchères, dépêchez-vous donc d’aller le voir, il y sera jusqu’au 15 octobre. Pour les jeunes archéologues en herbe, ou les moins jeunes qui ont rêvé devant Jurassic Park ou Indiana Jones, c’est très émouvant, très beau, courez-y."


Les puissances mondialisées - Repenser la sécurité internationale

Nicole Gnesotto, créée le 26-09-2021

"Je reviens à la géopolitique pour vous recommander le dernier ouvrage de Bertrand Badie. J’ai déjà recommandé d’autres livres de ce grand professeur de science politique ici, notamment parce que sa pensée est assez iconoclaste, par rapport aux thèses prégnantes en France et plus généralement en Occident. Il est par exemple très mal vu au Quai d’Orsay, puisque l’une de ses thèses est de dire que la géopolitique est terminée, que dans la mondialisation, se fonder sur les territoires, les souverainetés nationales et les rapports de force pour penser la sécurité internationale, c’est se tromper de sujet. Les grands défis sont mondiaux ne se traitent pas avec des moyens militaires. Sa pensée peut très bien être contestée, je suis personnellement en désaccord sur plusieurs points, mais je reconnais que chaque fois que j’ai lu un livre de Bertrand Badie, il m’a fait réfléchir."