Les brèves

Raison et dérision

Béatrice Giblin, créée le 09-05-2021

"Dans la collection tracts de Gallimard, je vous recommande ce recueil des illustrations de Xavier Gorce, issues du site du journal Le Monde, ces pingouins qui sont en fait des manchots. Récemment, Le Monde a décidé de présenter ses excuses à la suite d’un dessin de Xavier Gorce au moment de la parution du livre de Camille Kouchner. Cette publication avait suscité des réactions au sein même de la rédaction du journal, qui estimait qu’on ne saurait offenser, à un moment si douloureux, tous les gens victimes d’inceste. Je pense que ces excuses du journal furent une grande erreur. Le dessin de presse est fait pour provoquer, pour faire rire mais aussi réfléchir. Nous devons apprendre à être choqués, et l’accepter. Par ailleurs, abandonner le dessin de presse comme l’a fait un journal américain est très grave, car accepter l’humour est un moyen d’alimenter son intelligence."


L’appel du cacatoès noir

Akram Belkaïd, créée le 09-05-2021

"En ce qui me concerne, c’est un roman que je vous recommande, écrit par John Danalis. Il est basé sur une expérience réelle. En Australie, un homme blanc a dans sa maison un crâne aborigène. Arrivé à la quarantaine, ayant plus ou moins raté sa vie, il se met en tête, à la suite d’un concours de circonstances, de restituer le crâne à la tribu dont il est issu. Il s’agit donc d’une quête, et de la confrontation entre l’Australien moyen et cette « première nation » à laquelle il ne connaît rien."


De la laïcité en France

Matthias Fekl, créée le 02-05-2021

"Je vous recommande deux livres. Le premier est signé de Patrick Weil. Les deux livres ont en réalité le même objet : l’éloge de la nuance, qui ne doit pas être confondue avec le « en même temps ». Dans la nuance, il y a à la fois la complexité et le refus des postures. Le courage de la nuance en fait son postulat général, tandis que De la laïcité en France le fait sur un thème majeur indispensable à notre avenir : la laïcité. Les deux ouvrages, avec beaucoup de finesse et de subtilité, démontrent brillamment que l’on peut être nuancé sans être dans la pensée molle, et que l’on peut aimer la complexité tout en étant intransigeant sur l’essentiel."




Guerres invisibles Nos prochains défis géopolitiques

Jean-Louis Bourlanges, créée le 02-05-2021

"Je vous recommande le livre que vient de publier le directeur de l’IFRI Thomas Gomart. L’auteur analyse le renouvellement profond des conditions dans lesquelles se développe la politique étrangère. Pour un vieux Westphalien comme moi, c’est très éclairant. Il reste beaucoup de choses l’ancien monde, mais les enjeux sont profondément renouvelés. Les enjeux sociaux, avec l’avenir des inégalités, les enjeux naturels avec la question climatique, la révolution technologique et ses conséquences, la nouvelle course à l’espace. Tout cela est entièrement renouvelé, et les moyens de tout cela dépassent complètement ceux de la diplomatie et de la Défense, puisqu’ils s’agit des marchés financiers. L’Europe qui cherche à devenir quelque chose qui ressemble à une puissance, mais qui répugne à investir dans le domaine de la violence militaire, serait bien inspirée d’investir massivement dans cet entre-deux, qui n’est pas un « en même temps »."


Le Grand

Philippe Meyer, créée le 02-05-2021

"Au début du siècle dernier Henri Cot, né en 1883 dans l’Aveyron au hameau du Cros de la commune de Mounès-Prohencoux et du canton de Belmont-sur-Rance atteignait au conseil de révision la taille de 2 mètres 12. Les médecins lui prédirent que sa croissance était loin d’être terminée. Lorsqu’il atteignit 2 mètres 60 et qu’il chaussa du 61, un entrepreneur de spectacles en fit sa vedette et l’emmena en tournée en France, d’abord, dans le vaste monde ensuite. Le succès fut considérable et lucratif. A Londres, en 1906, Henri Cot fit paraître cette annonce : « Séduisant, intelligent, français, 2 mètres 61, 176 kgs, larges moyens financiers recherche une femme d’intérieur avenante dans le but de se marier immédiatement. La demoiselle doit être disposée à faire le tour du monde ». Il reçut 301 réponses dont une faillit aboutir. Un nain de 60 centimètres baptisé Colibri devint son inséparable partenaire et compagnon. Peu à peu, la concurrence, d’abord confidentielle, devint rude et multiple… Daniel Carton, qui se distingua naguère par une critique sévère et documentée du journalisme politique en France avant de quitter ce métier a reconstitué l’histoire d’Henri Cot, une histoire dont il ne reste qu’une carte postale et une brochure de 5 pages publiée au Royaume-Uni. Il la fait raconter par un ami d’enfance imaginaire du géant dont le regard amical, émerveillé puis désolé observe l’hostilité provoquée par une différence aussi excentrique, la cupidité de ceux qui comprennent comment la changer en or, la naïveté peu à peu transmuée en vanité du héros.  Si on osait on dirait que la vie de ce géant est un raccourci d’humanité. Le livre est intitulé Le Grand. Il est publié chez Fayard."



Une bête entre les lignes

Lucile Schmid, créée le 02-05-2021

"Je veux vous parler de ce livre d’Anne Simon que j’ai beaucoup aimé. L’auteur est une spécialiste de Proust. Mais parallèlement à cette carrière, elle a mené une quête insatiable sur la façon dont les animaux sont décrits dans nos œuvres littéraires, avec un programme appelé « animots ». Dans cet ouvrage qui vient d’être publié, la partie consacrée à Proust est incroyable. Contrairement à Colette, l’auteur de La Recherche n’aimait guère les animaux, mais dans son œuvre, les descriptions de protozoaires, de microbes, du Baron Charlus décrit comme un gros bourdon ... Si vous n’aimez pas tant que ça les animaux, il faut que vous lisiez Une bête entre les lignes."


Le lièvre d’Amérique

Lucile Schmid, créée le 25-04-2021

"Je vais rester dans un registre poétique et vous recommander un roman écrit par une autre poétesse, québécoise cette fois, Mireille Gagné. On y suit une employée modèle, essorée au travail, qui va se faire greffer un gène de lièvre d’Amérique pour devenir encore plus efficace. A travers cette transformation génétique que nous vivons en direct, nous allons réintégrer un univers profondément poétique, celui de l’Isle-aux-Grues. Il s’agit d’une île sur le Saint-Laurent, où l’héroïne redécouvre ce qu’est être un lièvre, ainsi qu’un amour adolescent. Il y a dans ce roman une atmosphère aussi poétique qu’exotique. Il est également tout à fait fantaisiste, tout en proposant une réflexion à la fois sociale et naturaliste."


Jean-Claude Mourlevat

Michaela Wiegel, créée le 25-04-2021

"Je voulais vous parler d’un autre prix littéraire, le prix ALMA (Astrid Lindgren Mémorial Award). Il a cette année été décerné à un Auvergnat, Jean-Claude Mourlevat, pour l’ensemble de son œuvre. Ses livres s’adressent à la jeunesse, mais sont tout de même très plaisants pour les lecteurs adultes. L’auteur est un ancien professeur d’allemand, qui a commencé par traduire des romans pour la jeunesse de l’allemand vers le français. Parmi ses livres les plus connus, citons l’enfant-océan, le chagrin du roi mort, le combat d’hiver. Ses récits sont hors du temps, ils traitent de sujets très profonds (la vulnérabilité, la guerre, le désir, l’amour ...) dans un langage aussi simple que beau. "