LES INTERVENANTS

Antoine Foucher

Spécialiste des questions sociales, auteur de Sortir du travail qui ne paie plus.

 

Les brèves proposées par Antoine Foucher:

37 secondes

"Je voudrais recommander une série qui est en ce moment sur Arte et qui est l’histoire du chalutier Bugaled Breizh, qui a coulé dans la Manche en 2004. L’histoire est bouleversante, et deux dimensions font qu’on ne lâche pas la série. La première, c’est la dimension de polar. Quand on ne connaît pas — et c’était mon cas — l’histoire de ce chalutier et l’histoire de l’enquête judiciaire, on suit les épisodes en se demandant : « Mais alors, pourquoi le chalutier a coulé ? » Et c’est vraiment très bien fait. La deuxième raison, c’est que la série montre en même temps les histoires de vie, la densité, le courage de la vie des marins et de leurs épouses et de leurs conjoints, en Bretagne aujourd’hui. Cela m’a fait penser aux Travailleurs de la mer. 150 ans plus tard, ce sont les mêmes. Le personnage joué par Nina Meurisse, qui emmène les Bretons dans la recherche de la vérité, résonne, me semble-t-il, un peu comme le Gilliatt d’Hugo. C’est la même dignité, le même courage, et la même vie très simple, mais vraiment admirable."


Cas d’écoles

"Je voudrais profiter du fait que l’on est aujourd’hui à l’École Alsacienne pour recommander le livre de son directeur, à mon sens, l’un des livres les plus éclairants sur l’histoire de l’Éducation nationale dans notre pays ; plutôt du côté de la pédagogie que des institutions. Je donne deux exemples, parce que le livre n’est pas résumable en 30 secondes. Le premier, c’est : en tant que parent, on a souvent le sentiment d’être un peu mis à l’écart par l’institution scolaire en France, surtout quand on a eu la chance d’être parent dans d’autres pays ou d’avoir été élevé dans d’autres pays. Ça vient de très loin, et de très longtemps, plusieurs siècles. Et il y a une forme de continuité entre l’institution scolaire d’aujourd’hui (qui considère les parents un peu comme des ennuyeux qui prennent trop soin de leurs enfants), l’école de la Troisième République, qui suspectait toujours les parents d’avoir peut-être voté pour l’empereur et d’être antirépublicains, et l’école des jésuites de l’Ancien Régime, qui suspectait toujours les parents d’être tentés par la Réforme. Cette continuité est extraordinairement bien montrée dans le livre. Et puis un deuxième exemple : j’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi, dans toutes les études internationales sur le système scolaire français, il est établi depuis des décennies que les élèves français sont ceux qui ont le moins confiance en eux quand ils sortent du système scolaire. Lisez Cas d’écoles, et vous comprendrez pourquoi."


Dans la forge du monde : comment le choc des puissances façonne l'Europe

"Je recommande très chaudement ce livre de Pierre Haroche, un chercheur universitaire qui travaille entre Paris et Londres. Il s’agit d’une histoire de la dialectique entre l’Europe et le reste du monde depuis la Renaissance. Ce recul de cinq siècles redonne de l’espoir : il est possible que la dynamique du monde nous pousse hors de la « lamentabilité » dans laquelle nous sommes aujourd’hui. L’auteur montre très bien qu’il y a trois phases. La première, qu’il appelle l’Europe impériale, où il montre — dans la lignée de Kundera — que le maximum de diversité dans le minimum d’espace, c’est l’Europe. Cela pousse les nations européennes à se confronter entre elles, jamais tranquilles derrière leurs frontières, contrairement à l’Empire chinois, par exemple. C’est ce qui les a conduites à optimiser les techniques de guerre, et à acquérir la supériorité technologique qui a ensuite permis de conquérir le monde. Puis on arrive au XXème siècle, avec les deux « suicides collectifs » des deux guerres mondiales, qui placent l’Europe dans une situation subordonnée ; elle est cependant encore un enjeu pour le reste du monde : on ne peut pas être puissant si on n’est pas en Europe. Et enfin aujourd’hui, où la situation de l’Europe laisse le monde indifférent : l’Europe provinciale. Les États-Unis s’occupent davantage de Taïwan que de l’Ukraine. D’après l’auteur cette provincialisation va nous conduire à nous rassembler, parce que c’est notre seule option pour ne pas disparaître et devenir une colonie des autres puissances du monde."


La vie a-t-elle une valeur ?

"Je voudrais recommander le dernier livre de Francis Wolff. Nos auditeurs réécouteront avec plaisir la thématique enregistrée avec le philosophe il y a un peu plus d’un an, mais son dernier livre est vraiment passionnant, parce qu’on a souvent le sentiment que les vrais problèmes du pays, du monde, sont des problèmes économiques, politiques, sociaux. Et ce qu’il y a de vraiment génial dans ce livre, ce est la façon dont Wolff montre qu’il y a bien plus important qui tout cela. L’auteur mène un combat philosophique pour réhabiliter l’humanisme, est il le fait avec un exemple précis, celui de la transition énergétique, en montrant qui les mot d’ordre « sauver la planète », « sauver la diversité », « sauver la nature », sont totalement inopérants et contradictoires en eux-mêmes. Parce que le vivant, c’est la lutte, et un virus est vivant. Et donc, si on veut sauver les hommes, il faut bien tuer les virus. Sur les droits des animaux : les puces de mon chien sont totalement incompatibles avec les droits de mon chien à ne pas avoir de puces. Et donc, il montre vraiment que notre impuissance à prendre en charge la lutte contre le réchauffement climatique vient du fait que, philosophiquement, le sujet est très mal posé, de façon totalement contradictoire. Et que notre seule manière, en fait, de mener à bien cette lutte, c’est de le faire au nom des humains, et non de « la nature ». Parce que la valeur suprême est la vie humaine. En plus le livre de lit comme un roman policier …"