Les brèves

La laïcité : histoire d’une singularité française

Jean-Louis Bourlanges, créée le 24-11-2019

"Philippe Raynaud vient de recevoir le prix jeanzé, qui récompense les ouvrages porteurs de valeurs républicaines. Les gens ne se précipitent pas pour lire des lives de ce genre, mais ils ont tort. Je ne suis pas entièrement d’accord avec tout ce que dit l’auteur, je trouve qu’il sous-estime la matrice chrétienne de la laïcité, mais il montre quelque chose de tout à fait essentiel : le lien entre l’établissement du pouvoir absolu à partir d’Henri IV et la laïcité, c’est à dire ce moment où le pouvoir politique s’affranchit de toute tutelle religieuse, pour devenir lui-même l’ordonnateur du jeu politique, à la place de l’Eglise. C’est une histoire très intéressante, qui aboutit aux grandes polémiques d’aujourd’hui. Vu l’importance centrale des problèmes liés à la laïcité dans notre pays, c’est un livre que tout le monde devrait lire."


J’accuse

Philippe Meyer, créée le 24-11-2019

"Un mot aussi sur le film de Polanski. Il est remarquablement joué, par des acteurs qui ne se laissent tenter par le surjeu à aucun moment, et Dieu sait si c’est facile quand on joue les bons ou les méchants. Sur l’aspect historique, on sait de quelle « novélisation » le film repose. Il en a les mêmes défauts : n’avoir pas bien compris ce que c’était que Picquart, et pour quelle raison Picquart a fait ce qu’il a fait. Il en a fait une sorte de bon samaritain héroïque. Ce film m’a fait le même effet qu’Amadeus. J’étais sorti furieux de la représentation de Mozart en punk hennissant dans ce film, et en même temps ébloui par l’intelligence du film, sa construction, sa splendeur, et toute l’envie qu’il pouvait donner d’écouter la musique. Je pense la même chose de J’accuse."


Amazonia

Lucile Schmid, créée le 17-11-2019

"C’est un roman de Patrick Deville, qui fait partie de son grand projet « abracadabra ». L’auteur veut écrire des romans sans fiction, et se donne une contrainte précise : il va dans un lieu (il a auparavant écrit « Kampuchéa » et « Equatoria »), collecte toutes les informations sur les faits historiques qui sont arrivés après 1860, et mélange à ce récit des faits historiques quelque chose qui relève de l’histoire personnelle. Ce qui est très intéressant dans Amazonia, c’est qu’on y croise non seulement Aguirre et Humboldt, mais aussi Patrick Deville et son fils de 30 ans, qui font une remontée de l’Amazone ; il mêle ce lien intime et affectif avec son fils et notre histoire universelle et cette région dont nous entendons tous parler."


Une des dernières soirées de carnaval

Philippe Meyer, créée le 17-11-2019

"Un spectacle qui se donne actuellement au théâtre des Bouffes du Nord. C’est la dernière pièce que Goldoni écrit à Venise, avant de trouver refuge à Paris, par désespoir de ne pas pouvoir faire changer les traditions théatrâles vénitiennes, marquées par un essoufflement de la Commedia dell’Arte. Il y a d’ailleurs un très joli hommage continu à Venise tout le long du spectacle. La mise en scène de Clément Hervieu-Léger est comme d’habitude extrêmement intelligente et sensible. "


Disparition de Fred Mella

Philippe Meyer, créée le 17-11-2019

"On a appris ce matin la mort de Fred Mella. C’est un nom qui ne dit rien à beaucoup d’entre vous, mais Fred Mella était le soliste des Compagnons de la Chanson, c’était le meilleur ami de Charles Aznavour, c’était aussi un très bon photographe, comme l’était Paul Tourenne des Frères Jacques, et Pierre Jamet des Quatre Barbus. Fred Mella était le dernier de cette tradition des groupes qui étaient nés au moment du Front Populaire, avec « tourisme et travail ». Il y eut énormément de choses développées avant ou après la guerre, comme le cabaret la Rose Rouge, la compagnie Grenier-Hussenot, le grenier de Toulouse ... C’était un moment où l’on a découvert dans les milieux populaires que la culture est quelque chose qui permet d’élargir sa propre existence, et de sortir de ce qu’Hannah Arendt appelait « la prison que chacun d’entre nous est pour lui-même ». "


La science de la richesse

Nicolas Baverez, créée le 17-11-2019

"Je voulais recommander la lecture du livre de Jacques Mistral, c’est une histoire de la construction de la pensée économique, qui montre à la fois la dite construction et les alternances, et pour la partie la plus récente, l’avènement des marchés, le krach de 1929, Keynes, le renouveau des marchés à partir des années 1970, le krach de 2008 et le retour de Keynes. C’est extrêmement bien expliqué, il s’agit d’une pensée lumineuse qui réconcilie l’économie et l’Histoire. "


Décret paru au Journal Officiel

Lionel Zinsou, créée le 17-11-2019

"Je vous suggère de lire le Journal Officiel de mardi dernier, qui publie le décret de la reconnaissance d’utilité publique pour la fondation pour la mémoire de l’esclavage. C’était une idée de Jacques Chirac, abandonnée entre 2007 et 2012, que François Hollande avait relancée, appuyé par tous les intellectuels des départements d’Outre-mer, ainsi qu’un rapport important d’un grand écrivain Edouard Glissant, etc. On a mis deux ou trois ans à collecter les fonds nécessaires, mais il y aura désormais un monument reconnaissant la résistance à l’esclavage aux Tuileries, il y aura dans l’Hôtel de la Marine et des colonies, siège de cette fondation, de nombreuses manifestations culturelles. C’est une façon, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, de reconnaître cette réalité fondamentale, reconnue comme un crime contre l’humanité depuis la loi Taubira, de ce qu’a été pendant trois siècles l’esclavage, et de rendre aux Afro-descendants de la République une partie de leur mémoire. "


Le prince républicain

Béatrice Giblin, créée le 17-11-2019

"Un livre de Cédric Léwandowski qui a été directeur de cabinet de Jean-Yves Le Drian sous François Hollande, et qui a occupé pendant cinq ans au ministère de la défense le bureau de Lucien Bonaparte. Ayant désormais certainement plus de temps, il a écrit une très belle biographie de son lointain prédécesseur, intitulée « le Prince Républicain ». Les relations entre les deux frères (Lucien avait six ans de moins que son aîné) ont été plus que difficiles. Vous y lirez le rôle de Lucien au moment du coup d’état du 18 Brumaire, et le rôle très important qu’il a joué le lendemain, le 19. Napoléon n’a jamais voulu qu’on parle du 19, et c’est à son frère qu’il doit de s’en être bien sorti. "


Icebergs

Matthias Fekl, créée le 10-11-2019

"Je vais vous recommander le livre d’un auteur que j’aime énormément, et dont j’attends à chaque fois le dernier ouvrage avec impatience avant de le dévorer dès sa parution. Contrairement à ses romans, qui sont toujours limpides et cristallins, il s’agit ici d’une promenade dans sa pensée, sur divers thèmes, avec notamment une visite à la tour de Montaigne qui est absolument magnifique. Il a écrit un autre livre avec Christian Garcin qui s’appelle Travelling, où il relate un tour du monde sans avion, véritable défi par les temps qui courent. Ce sont des livres très personnels, très puissants, très émouvants, et je vous conseille toute son œuvre. "


Patrimòni

Philippe Meyer, créée le 10-11-2019

"On ne peut pas toujours partir en voyage, mais l’on peut trouver dans la littérature ou ce qui se publie quelques moyens d’évasion. Et notamment dans un journal du patrimoine, qui concerne l’Aveyron et ses voisins, intitulé Patrimòni, dans lequel vous trouverez un excellent article sur le nourrissage hivernal des oiseaux, sur le viaduc du Viaur, ainsi qu’un article en occitan sur le chemin des dames, le vrai, celui du général Nivelle, l’ancêtre de la technocratie mal informée et malfaisante. "



Un souvenir

Jean-Louis Bourlanges, créée le 10-11-2019

"Je voudrais évoquer un souvenir. Nous avons discuté dans l’émission la chute du mur et la libération de l’Europe centrale et orientale, c’est sans doute le grand évènements pour les gens de ma génération. Je l’ai moi-même vécu lors d’un voyage que nous avions fait avec ma femme Angéline et Simone Veil. Nous étions allés en Hongrie, au moment où celle-ci changeait complètement de visage. Nous avions été accueillis dans le château des Brunszvik, à Martonvásár, dans lequel Beethoven vécut un temps, (il y eut même une histoire amoureuse qui comme à son habitude, fut désastreuse). Nous avions donc été accueillis à la nuit tombée par un quatuor de Beethoven, dans une atmosphère absolument romantique. C’est l’image la plus forte que j’ai eue de la réintégration de « l’Europe kidnappée » dont parlait Kundera, pour moi qui n’étais pas à Berlin lors de la chute du mur. Il y avait, avec Simone Veil qui avait vécu l’horreur de la seconde guerre mondiale, une façon de boucler là toute l’histoire. C’est là le moment pivot de mon histoire personnelle concernant le sujet d’aujourd’hui. "