Les brèves

Marcel PROUST : Eloge de la mauvaise musique

Marc-Olivier Padis, créée le 15-01-2018

"On a lu beaucoup de commentaires dans les médias à propos de l’enterrement de Johnny Halliday et parmi de nombreux commentaires j’ai trouvé un commentaire par anticipation en quelque sorte écrit par Marcel Proust dans Les Plaisirs et les Jours et je ne résiste pas au plaisir de vous lire une citation courte de quelques lignes : « Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu'elle elle s'est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu'elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l'histoire de l'art, est immense dans l'histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l'amour, de la mauvaise musique n'est pas seulement une forme de ce qu'on pourrait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c'est encore la conscience de l'importance du rôle social de la musique. ». "


GAUGUIN L'ALCHIMISTE

François Bujon de L’Estang, créée le 15-01-2018

"Je voudrais encourager ceux de nos auditeurs qui sont tentés, de se précipiter au Grand Palais pour voir l’exposition Gauguin tant qu’il est encore temps puisqu’elle va se terminer je crois à la mi-janvier. Je sais que certains critiques ont exposé des réserves mais il y a toujours des esprits chagrins. C’est une magnifique exposition, c’est un éblouissement de couleurs, et elle a le mérite de montrer des œuvres de Gauguin qu’on ne voit pas souvent, notamment des sculptures ou des céramiques par exemple. Mais beaucoup de ses grands tableaux sont exposés, y compris ceux qu’on trouve dans les musées russes notamment au musée Pouchkine, et qui étaient déjà venus à Paris avec la collection Chtchoukine l’année dernière, on les retrouve dans une exposition qui est très complète, qui est très belle et qui je dois dire est une joie à visiter."


Mélancolie(s)

Philippe Meyer, créée le 15-01-2018

"J’avais déjà dit ici tout le bien que je pensais du travail de Julie Deliquet qui dans le monde de la mise en scène est quelqu’un qui a une personnalité extrêmement forte et qui réussit me semble-t-il remarquablement. Elle avait avec beaucoup de succès monté au théâtre du Vieux Colombiers de la Comédie Française, Vania, et elle vient de monter un spectacle qu’on peut voir jusqu’au 12 janvier au théâtre de la Bastille qui s’appelle Mélancolie(s) et qui est la fusion des Trois Soeurs et d’Ivanov. Donc on est en plein dans Tchekhov, il y a davantage d’Ivanov que des Trois Sœurs mais c’est un travail très étrange parce qu’il s’agit d’improviser, à partir du texte de Tchekhov, les comédiens n’ajoutent pratiquement rien sauf quelques petites chevilles pour que les choses tiennent ensemble et ils montent - avec cette excellente idée de marier ces deux pièces - un spectacle qui est extrêmement fort et extrêmement naturel. On parle beaucoup de revisite, ce n’est pas la revisite, c’est d’avoir pris ce texte de Tchekhov et de lui permettre d’avoir tout son naturel, et je trouve que Julie Deliquet est quelqu’un de tout à fait remarquable. "


L'Enchantement musical

François Bujon de L’Estang, créée le 14-01-2018

"La musique adoucissant les mœurs je fais souvent des brèves musicales, cette fois ci c’est une lecture que je recommande. Albin Michel a eu l’excellente idées de publier des inédits de Vladimir Jankélévitch sur la musique, et pour tous ceux qui ont aimé l’enseignement de Vladimir Jankélévitch, tous ceux qui savent ce que la musique lui a apporté et a apporté à sa réflexion philosophiques, tous ceux qui ont aimé La musique et les heures ou La Musique et l’Ineffable qui sont à peu près ce qu’on a écrit de meilleur et de plus intelligent sur la musique, je recommande vivement ces textes rassemblés sous le titre L’Enchantement musical qui nous ramène la pensée, la présence de Vladimir Jankélévitch."


Dîtes-leur que je suis un homme

Philippe Meyer, créée le 14-01-2018

"En ce qui me concerne je recommande un roman qui est paru chez Liana Levi, qui est même dans l’édition de poche de Liana Lévi, roman d’Ernest Gaines, écrivain noir américain qui s’intitule Dîtes-leur que je suis un homme, qui est un concentré de description de la situation d’une communauté noire dans les années 60 au moment où les droits sont acquis mais où ils ne sont en aucun cas et en très peu de lieux respectés, et où un noir condamné à mort simplement parce qu’il était au mauvais endroit, au mauvais moment, se trouve face à un défi qui peut paraître étrange qui est simplement le défi de mourir comme un homme. Toute cette communauté autour de lui le soutient dans cette entreprise. C’est un livre d’une retenue, qui provoque une émotion extrêmement forte, sans doute parce qu’il est fondé sur une description et sur un sens du détail très remarquables."


L’Ordre du jour, prix Goncourt

Jean-Louis Bourlanges, créée le 14-01-2018

"J’avais évoqué il y a quelques semaines le livre qui a eu le prix Renaudot consacré au docteur Mengele, et j’étais habité, je ne sais pas si je l’avais vraiment exprimé, par une espèce d’inquiétude : cette façon de faire de l’histoire romancée, de restituer des conversations qui sont évidemment imaginées par l’auteur me gêne en application du principe formulé par Paul Valéry selon lequel le mélange du vrai et du faux est plus faux que le faux. Je dois dire que cette fois-ci j’ai lu le prix Goncourt d’Eric Vuillard, L’Ordre du jour, qui se présente comme un récit autour de l’Anschluss, et je l’ai abordé avec la même appréhension, avec l’idée que faire un récit sur quelque chose d’historique c’était très délicat. En réalité je dois dire que je salue vraiment la performance. Il y a un bonheur d’écriture, je donne juste deux lignes : quand il parle des lois, il dit qu’elles sont méprisées, évidemment, tant pis pour les chartes les constitutions et les traités, « tant pis pour les lois, ces petites vermines normatives et abstraites, générales et impersonnelles, les concubines d’Hammourabi, elles qui sont dit-on les mêmes pour tous, des traînées. ». C’est quand même très bien. Mais ce que je trouve, c’est que le récit chez lui permet vraiment de saisir la quintessence d’une situation, je pense notamment au chapitre consacré à la visite de Halifax chez Goering, le portait d’Halifax, les nuances nous permet vraiment de saisir quelque chose de fondamental dans la complaisance de la haute société britannique à l’égard de Hitler."


En attendant les hirondelles

Béatrice Giblin, créée le 14-01-2018

"Moi ce sera un film, c’est un film franco-algérien qui s’appelle En attendant les hirondelles, qui est sorti il n’y a pas très très longtemps et qui révèle en deux heures l’état de la société algérienne au travers de trois histoires différentes qui sont un peu reliées entre elles par au fond le sens général du film : la désillusion. En attendant les hirondelles, c’est-à-dire l’espoir. Allez-y, c’est un beau film."


Souvenirs dormants

François Bujon de L’Estang, créée le 09-01-2018

"Toute petite incursion dans la littérature pour faire écho à une recommandation qui a été faite il y a quelques semaines par l’un d’entre nous ou l’une d’entre nous, mais je sais que c’est autorisé par la direction. Je veux dire le bonheur de la lecture du dernier livre de Patrick Modiano, Souvenirs dormants, publié chez Gallimard dans la collection Blanche. C’est un tout petit livre, particulièrement mince même pour Modiano, mais c’est un bonheur de lecture parce que cette atmosphère qui est toujours la même, ces brumes qui errent dans les rues de Paris autour de visages estompés, cette évocation de personnages oubliés dont on ne sait rien ni n’apprendra rien, mais cette légèreté d’écriture et l’originalité profonde de cette voie qui est celle de Patrick Modiano méritent particulièrement d’être soulignées car c’est un phénomène très unique dans notre littérature."


Le Débat, La sociologie au risque d'un dévoiement

Philippe Meyer, créée le 09-01-2018

"A titre de brève je voudrais signaler la parution du numéro de novembre/décembre de la revue Le Débat, dans laquelle un ensemble d’articles est consacré à la sociologie et au risque d’un dévoiement. Gérarld de Bronner et Etienne Géhin, Olivier Galland, Nathalie Heinich, Dominique Schnapper et Pierre-Michel Menger s’interrogent sur la manière dont s’est cléricalisée la sociologie et sur la manière dont elle a essayé, elle est en train, elle s’occupe pour une partie d’entre elle, sous un certain nombre de slogans assez faciles - notamment celui qui dit que la sociologie est un sport de combat - de prendre la place du journalisme, non pas pour nous renseigner sur la société comme elle est, mais pour être, pour devenir ce qui dise ce qui est juste et bon sans avoir à prendre la moindre responsabilité, ni le moindre risque. C’est évidemment plus détaillé, plus fin que ce que je viens de résumer brièvement, mais je trouve que c’est un excellent ensemble d’excellents articles, qui mérite d’être signalé."


L'invention tragique du Moyen-Orient

Béatrice Giblin, créée le 09-01-2018

"Moi c’est un ouvrage qui est publié chez Autrement, qui s’appelle L’invention tragique du Moyen-Orient par Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud qui sont deux politologues (Pierre Blanc ayant cette caractéristique qu’avant d’être politologue, d’avoir été un ingénieur agronome qui a énormément travaillé sur les problèmes de la terre et sur les problèmes fonciers au Moyen-Orient). C’est dans une collection qui s’appelle Angles et Reliefs, c’est-à-dire que on fait des choix : c’est un angle. Le titre le dit déjà d’ailleurs. L’invention tragique du Moyen-Orient, c’est bien évidemment donner une grande place dans la responsabilité de la situation actuelle aux partages Sykes-Picot, aux années 20 et à la création des différents états sans l’accord des peuples à ce moment là. C’est un ouvrage très clair, très facile, avec des cartes un peu trop simples à mon goût, mais ce qui est très intéressant ce sont les schémas d’acteur, avec le rôle qu’ont pu jouer différents responsables à un moment de l’Histoire. Cela je pense que c’est très bien pour comprendre comment on a pu se retrouver totalement isolé, avec les oppositions y compris de ceux qu’on aurait pu penser être des alliés"


De l'ardeur, Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne

Marc-Olivier Padis, créée le 09-01-2018

"Parmi les livres de la rentrée de cet automne j’ai lu le livre de Justine Augier, paru chez Actes Sud, qui s’appelle De l’ardeur, qui est une enquête sur une militante syrienne des droits de l’homme, avocate, Razan Zaitouneh. C’est une histoire assez triste puisqu’elle a fait partie des premières à se mobiliser dans les grandes manifestations contre le pouvoir syrien, et elle a été arrêtée, torturée, exécutée. Cette enquête en même temps donne un visage à cette opposition démocratique syrienne qu’on aurait bien aimé voir prendre plus de force. L’ensemble de ce récit n’est que plus amer aujourd’hui quand on voit le débouché de cette guerre."


Les Vaincus, Violences et guerres civiles sur les décombres des empires, 1917-1923

François Bujon de L’Estang, créée le 09-01-2018

"Je vous ramène à de plus dures réalités historiques hélas en vous recommandant la lecture d’un livre qui s’appelle Les Vaincus, qui vient d’être publié en français aux éditions du Seuil et qui est écrit par un professeur à l’University College de Dublin qui s’appelle Robert Gewarth. C’est un livre passionnant dans lequel je suis pour l’instant englouti, sur les années 1918 à 1923 en Europe, c’est-à-dire les suites de la Première Guerre mondiale et les conséquences de l’effondrement des empires, de l’Empire austro-hongrois, de l’Empire allemand. On oublie presque que ces années, entre la guerre d’indépendance polonaise, la guerre gréco-turque, la guerre d’Orient qui se prolongeait aux confins de la Bulgarie, ou les spartakistes à Berlin et Bela Kun en Hongrie, a été une période aussi – et je n’oublie pas l’Irlande – sanglante presque, que la période des quatre années de la Première Guerre mondiale. Le livre est tout à fait passionnant et se lit comme un roman policier."