Les brèves

Richelieu

Philippe Meyer, créée le 20-11-2022

"Avec cette biographie du cardinal, Françoise Hildesheimer est parvenue à maîtriser une bibliographie considérable, et à en tirer une vision extrêmement fine de l’homme mais aussi de la période. Elle peint l’homme d’Etat, mais aussi le prêtre (ce qu’on oublie ou qu’on ignore), et cette légende de « l’homme rouge », à laquelle Michelet et Victor Hugo ont contribué. La carrière de Richelieu fut aussi mouvementée que fragile, et ce jusqu’à la fin. L’auteure en profite pour contribuer à la réhabilitation de Louis XIII, peut-être pas comme homme, mais au moins comme monarque."


Aron et De Gaulle

Jean-Louis Bourlanges, créée le 20-11-2022

"Notre ami Jean-Claude Casanova a décidé de faire quelque chose de très utile : regrouper les écrits épars de Raymond Aron, en les classant par thème. C’est ainsi qu’il avait publié il y a quelques années un « Marx » de Raymond Aron, qu’Aron n’avait pourtant jamais conçu comme un livre. Il vient de faire la même chose à propos du général de Gaulle. Ces deux figures ont dominé ma jeunesse, il y a une gémellité entre ces deux destins tout à fait passionnante. Aron va à Londres au même moment que de Gaulle, il est totalement solidaire du combat des alliés, mais en décalage de la France Libre. Il se retrouve directeur de cabinet de Malraux, à la Libération. Il estime comme de Gaulle et au même moment qu’il faut en finir tôt ou tard avec l’Algérie, il a cette rupture très importante sur la guerre des six jours, mais en même temps on voit bien que sa démarche est très profondément différente de celle du général. Aron est un « classique », qui veut construire un ordre international, de Gaulle est un « baroque », qui chérit le mouvement, l’instabilité, le jeu, etc. Ce sont des esprits différents, mais deux personages qui ont vraiment dominé l’après-guerre en France. "



L’effacement programmé du jury populaire de cour d’assises

Philippe Meyer, créée le 06-11-2022

"Le Monde a publié le 3 novembre une tribune intitulée « L’effacement programmé du jury populaire de cour d’assises porte atteinte à la liberté, l’humanité et la citoyenneté ». Cette tribune fait suite à celle publiée il y a un an par 3.000 magistrats et une centaine de greffiers qui déclaraient « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout ». Celle du 3 novembre commence ainsi : « Héritage de la révolution de 1789, symbole éclatant de la démocratie participative en matière judiciaire, le jury populaire de cour d’assises est en voie d’extinction. La participation citoyenne à la justice pénale est gravement menacée, remise en cause par une doctrine libérale qui, plaquant sur l’institution judiciaire une logique de marché, se donne le rendement pour seul horizon et le chronomètre pour unique boussole. » Ce texte mérite d’être connu et diffusé."


Dans les montagnes rocheuses

Richard Werly, créée le 06-11-2022

"A propos des Etats-Unis, j’ai deux recommandations cette semaine. La première vous enverra chez les bouquinistes. Ce livre est signé d’un Français, le baron de Mandat-Grancey. Il détaille son expédition dans les Black Hills, ces terres aurifères des Etats du Dakota. Elle a eu lieu au XIXème siècle, mais comme ce voyageur a la plume juste, beaucoup des choses racontées dans ce livre sont toujours vraies aujourd’hui. Notamment le fait que beaucoup de choses aux Etats-Unis sont des questions d’argent et de profit. "


Le Président est-il devenu fou ?

François Bujon de L’Estang, créée le 06-11-2022

"Je vous ramène aux Etats-Unis avec ce très original ouvrage de Patrick Weil. L’auteur est historien, directeur de recherches au CNRS et visiting professor à Yale. Il y est question du président Woodrow Wilson, qui présida au naufrage du traité de Versailles devant le Sénat américain, par un comportement intransigeant et largement aberrant. Un grand diplomate américain, William Bullitt, le croyait fou. Il s’est donc séparé de Wilson dont il avait été le conseiller. Il s’est longtemps entretenu avec Sigmund Freud à propos du président américain, si bien qu’ils ont écrit à quatre mains une espèce de psychanalyse écrite de Wilson. Ce livre ne fut publié qu’en 1966, mais garde sa pertinence. Une pièce de choix à verser au dossier « ces malades qui nous gouvernent ». Celui de Patrick Weil prend comme fil rouge la brillante carrière diplomatique de Bullitt. Fascinant, mais aussi très éclairant."


La guerre entre la France et l’Allemagne redevient possible

Michaela Wiegel, créée le 06-11-2022

"Je voudrais moi aussi cette semaine partager un étonnement, mais aussi une colère. C’est ce que j’ai ressenti à la lecture de la tribune publiée par Jacques Attali, l’un des visiteurs du soir du président Macron. Elle a pour titre : « la guerre entre la France et l’Allemagne redevient possible ». Selon Attali, l’actuelle divergence serait d’une nature très différente d’autres tensions qu’ont pu éprouver les deux pays par le passé. Je ne suis absolument pas d’accord avec son analyse, et je trouve assez néfaste que presque toute la presse actuelle reprenne l’idée que les actuelles divergences à propos de l’énergie sont indépassables. Je pense pour ma part que nos mécanismes de dialogues sont si profonds et multiples que nous parviendrons à surmonter ces divergences. Une guerre entre nos deux pays n’est absolument pas envisageable. "



L’Académie Goncourt et le Liban

Jean-Louis Bourlanges, créée le 06-11-2022

"J’aimerais faire partager aux auditeurs ma surprise et mon émotion face au comportement de l’Académie Goncourt. Je ne discute absolument pas le choix de la gagnante, mais l’Académie a accepté le diktat d’un ministre libanais Hezbollah. L’Académie souhaitait se rendre au Liban, pour témoigner de l’intérêt qu’elle porte à ce pays. Et voilà que ce ministre déclare que les éléments « jugés sionistes » (alors que simplement Juifs) ne sont pas les bienvenus. Et la moitié des membres de l’Académie est allée à Beyrouth tandis que l’autre moitié a refusé. Comme dirait la Vénus de Milo : « les bras m’en tombent »."


Le dernier des siens

Lucile Schmid, créée le 30-10-2022

"C’est un roman que je vous recommande, écrit par Sybille Grimbert. Il raconte l’amitié très forte entre le dernier des grands pingouins et un jeune naturaliste, au XIXème siècle. Le livre aborde une question qu’on n’a pas l’occasion de croiser souvent en littérature : comment être conscient du sentiment qu’il y a entre le dernier animal d’une espèce et un être humain ? C’est ce thème philosophique de la vie avec l’extinction que ce roman explore. C’est assez bouleversant, on prend conscience en le lisant de ce que nous allons perdre, mais aussi de ce qu’il nous faut éviter de perdre. "


Hommage à Pierre Soulages

Nicolas Baverez, créée le 30-10-2022

"J’aimerais rendre hommage à deux œuvres noires. Celle de Pierre Soulages d’abord, qui nous a quittés le 26 octobre. Je recommande évidemment à nos auditeurs la visite de l’extraordinaire musée Soulages à Rodez, qui donne de son œuvre une représentation très cohérente, y compris dans l’architecture du bâtiment. Il faut évidemment aussi aller à l’abbaye de Conques, dont Soulages réalisa les vitraux, et où il eut la révélation de sa vocation de peintre."


Londres

Nicolas Baverez, créée le 30-10-2022

"L’autre œuvre est l’un des manuscrits récemment retrouvés de Céline, qui est la suite de « Guerre ». Souvent, les manuscrits retrouvés d’un auteur n’ont pas grand intérêt. Ce n’est pas le cas ici, les textes sont tout à fait impressionnants. Ferdinand, le héros de « Guerre », arrive à quitter la France pour Londres, où un certain nombre de gens tentent d’échapper à la mobilisation pour la Grande guerre. La description des bas-fonds de Londres est une vision tout à fait extraordinaire. Comme toujours avec Céline, c’est à la fois très cru et très vrai."